Articulé ou rigide, émaillé, serti de pierres précieuses, le serpent se love voluptueusement sur le corps. Séducteur, il évoque l'Eden et la tentation à laquelle Eve ne résiste pas. Incarnation du danger : c'est un aspic que Cléopâtre choisit pour se donner la mort. Au cœur des mythologies, des religions, des superstitions, son image suscite des sentiments contradictoires.
Le serpent : animal totem de la joaillerie
Symbole de renouveau dans le monde gréco-romain où sa mue est considérée comme une régénérescence, on l'associe au dieu de la médecine Asclépios (Esculape pour les Romains). L'Antiquité se pare de bijoux à son effigie, il est porté par les femmes (dont il signale parfois qu'elles font commerce de leurs charmes), et par les hommes qu'il accompagne à la guerre.
Le romantisme du XIXe siècle le remet au goût du jour, il devient talisman sentimental car l'image du serpent qui se mord la queue, dite ouroboros, représente l'éternité. Il refait alors son apparition dans la bijouterie dont il devient l'un des motifs de prédilection.
Indétrônable, il séduit aujourd'hui les joailliers qui jouent de sa forme ergonomique, l'enroulant sur un ou plusieurs tours comme chez Bulgari et De Grisogono. Harumi Klossowska de Rola exprime tous les paradoxes du symbole : corps en corne de buffle noire et or jaune, yeux de diamants, son reptile, aussi attirant que potentiellement dangereux, appelle la séduction.
Souvent les gemmes inspirent directement la création : ainsi c'est la forme singulière des perles baroques qui semble donner naissance à la broche de Buccellati. La mode succombe aussi au caractère sulfureux du serpent : il ondule dans la collection Gucci Garden et fait une apparition sur le défilé haute couture de Dior.