Alainpaul. Le prénom et nom d'un styliste écrits en un mot, derrière lequel se cache le nouvel espoir de la mode. Sa créativité débordante gravite autour de l'art de la danse et d'une approche visant à penser la gender neutrality comme une norme ordinaire. 

Rencontre avec Alain Paul.

Marie Claire : Comment est née cette idée de chorégraphier le vêtement ?
Alain Paul : Je viens de la danse et si j'ai finalement décidé de me tourner vers la mode, j'ai gardé des liens forts avec cet univers. Il ne s'agit pas de réinventer le tutu et le ruban, mais de rendre hommage à l'esprit de cette discipline, à la façon dont le vêtement accompagne le mouvement comme la posture.

J'aime aussi la rigueur de cette pratique, même si je m'en suis un peu affranchi dans ma troisième collection pour le printemps-été 2025, baptisée "Impro". Elle s'inspire de la façon dont le chorégraphe Merce Cunningham déconstruisait la gestuelle, et particulièrement des costumes bicolores et contrastés de son ballet Les Oiseaux.

De quelle manière avez-vous commencé la danse ?
Grâce à ma grande sœur ! J'ai suivi des cours dès l'âge de six ans. Elle a arrêté, c'est devenu ma passion. À 9 ans, je suis entré à l'internat de l'École nationale de danse de Marseille. C'est un univers où l'on devient adulte très vite, mais où paradoxalement, on garde très longtemps une âme d'enfant. C'est pour les ballets que je créais avec mes amis que j'ai commencé à couper des tissus afin de réaliser des costumes.

À 15 ans, il a fallu faire un choix : j'ai préféré m'orienter vers des études de mode et je me suis inscrit à l'Istituto Marangoni, à Paris.

Vous avez ensuite intégré les studios de deux maisons avant de vous lancer en indépendant. Quelles expériences en avez-vous gardé ?
J'ai passé cinq ans chez Vetements, au côté de Demna, et j'ai adoré participer à la construction de ce nouveau vocabulaire qui a bousculé l'industrie.

Les cinq années suivantes, je travaillais au studio masculin de Louis Vuitton avec Virgil Abloh. Il avait une incroyable aura et une liberté folle, nourries par cette façon différente de penser l'habit, car il ne venait pas de l'univers de la mode ni du sérail parisien. Ce sont deux approches qui ont beaucoup nourri le designer que je suis aujourd'hui.

Vous proposez une approche non genrée, comment cela se traduit-il commercialement ?
C'est une notion dont on parle beaucoup dans la presse et sur les podiums, mais qui est plus complexe dans la réalité. La coupe peut poser problème et susciter des questions chez les acheteur-euse-s qui ont besoin de savoir si la pièce sera commercialisée dans le vestiaire masculin ou féminin.

Quand je crée un vêtement, je pense à une silhouette, non pas à un genre, mais je dois prendre cet élément en compte. Par exemple, pour notre tailleur unisexe, la coupe reste la même pour tous, mais il existe des tailles pour hommes et d'autres pour femmes avec des longueurs de manche différentes.

Vous avez créé votre marque avec votre mari, Luis Philippe. Comment travaillez-vous en binôme ?
J'ai toujours eu envie de lancer ma maison, et cela nous a semblé évident de nous associer. Nous avons des profils complémentaires, c'est une chance.

Alain Paul (à gauche) et Luis Philippe (à droite)

Luis a travaillé dans le merchandising pour le concept store parisien Colette, et aussi dans la distribution pour Alaïa et Sacai. Je suis plus sur la direction artistique, et lui sur la partie commerciale. Nous sommes une jeune marque, donc on cumule tous les deux plein de jobs en même temps !