C'est une marque dont les imprimés colorés évoquent le glamour italien des seventies et qui connaît un retour en grâce, ces derniers mois, grâce au regard de Camille Miceli.

Avec Camille Micelli, la renaissance de Pucci

Avant même qu'elle ne prenne la direction artistique de Pucci en 2021, la créatrice franco-italienne était déjà une figure connue de la mode.

Cette autodidacte a travaillé avec les plus grands créateurs, de ses débuts aux côtés d'Azzedine Alaïa à ses années auprès de Marc Jacobs chez Louis Vuitton en passant par Karl Lagerfeld chez Chanel et Raf Simons chez Dior.

Au fil du temps, elle a affiné son esthétique, compris comment jouer avec l'héritage d'une maison, saisi l'importance de l'image dans la construction d'une marque.

Depuis 2021 donc, elle utilise cette expérience pour réveiller la maison florentine fondée en 1947, par le marquis Emilio Pucci di Barsento, surnommé le "prince des imprimés".

C'est justement dans la cité des Médicis qu'elle a organisé son premier défilé stricto sensu en mai dernier, faisant revivre cette dolce vita à l'italienne tout en la projetant dans le xxie siècle, donnant un second souffle aux imprimés graphiques qu'elle décline sur des pièces désirables.

Une mode solaire, joyeuse. Des adjectifs qui siéent aussi bien à l'esprit de Pucci qu'à la personnalité de Camille Miceli.

Marie Claire : Nous sommes en plein été, à quoi ressemblent vos vacances ?

Camille Miceli : J'adore cette saison, j'adore la mer, me retrouver sur une plage avec un livre. C'est le moment de l'année où je me mets en mode off, je fais du sport, je profite de mon fils.

Je pars toujours en Grèce, dans une île peu connue dont je préfère taire le nom. Je pose mes valises quinze jours dans un endroit, quinze jours dans un autre. Je m'entoure de ma famille et de mes amis, je ne suis pas une âme solitaire !

C'est aussi une saison créativement importante pour Pucci car l'esprit de la maison est profondément lié à l'esthétique estivale.

Ceci étant dit, ma mission est d'inscrire aussi les collections dans une temporalité hivernale et dans un cadre plus urbain.

Pucci est indissociable de l'Italie, de quelle façon exprimez-vous cette italianité ?

Quand je travaille sur une collection, je garde en tête ce glamour italien des seventies, des années clés pour Emilio Pucci.

D'ailleurs ce sont les imprimés de cette époque-là qui me touchent le plus. Même si deux Italie cohabitent, celle du Nord et celle du Sud, il existe une culture commune, différente du reste du monde.

Il n'y a pas d'ambition particulière, ni de fuite en avant pour chercher quelque chose de différent comme aux États-Unis. Parfois, la vision peut se montrer un peu passéiste mais je suis très sensible à la joie de vivre des Italiens, qui fait écho à l'esprit Pucci. 

Plutôt que de vous inscrire dans le calendrier officiel d'une Fashion Week, vous avez montré votre première collection lors d'un week-end festif à Capri, pourquoi avoir fait ce choix ?

Quand je suis arrivée il y a deux ans, il était important de remettre la marque sur un piédestal, d'affirmer sa dimension lifestyle.

C'est pour cela que j'ai choisi de faire voyager les invités à Capri pour un évènement de quelques jours. Un clin d'œil, évidemment, à Emilio Pucci, puisqu'il y a ouvert sa première boutique en 1950.

Plutôt qu'un défilé formel, la collection était présentée dans des tableaux vivants inspirés de l'univers de l'actrice Esther Williams : des filles sur des rochers avec des caftans, d'autres en maillot sur des chaises longues croisant et décroisant les jambes. J'ai accueilli personnellement chaque invité.

J'avais envie de fédérer une communauté de gens pour exprimer la joie de vivre, la gaieté mais aussi l'humour et la légèreté, autant de valeurs essentielles à la maison.

Pour présenter votre troisième collection, vous avez gardé cet esprit joyeux mais vous êtes revenue au format du défilé...

Rien n'est comparable à l'aura d'un défilé pour faire passer un message et vendre des vêtements.

Après un deuxième évènement dans la station de ski suisse de Saint-Moritz, où nous avons notamment présenté une collaboration avec Fusalp, je voulais que les gens puissent regarder véritablement les silhouettes. À Florence, les invités étaient installés sur les bords de l'Arno, au club des canotiers, comme s'ils se trouvaient à la terrasse d'un café.

La première mannequin a pris son temps pour fouler le podium puisqu'elle est arrivée en bateau. Le défilé était suivi d'une fête car Emilio Pucci adorait danser... tout autant que moi !

Comme pour les précédentes, j'ai fait du see now buy now pour que les vêtements soient immédiatement disponibles en boutique.

Dans une époque où l'on zappe tout le temps, qui a envie d'attendre six mois ? Dans la foulée du défilé, nous avons d'ailleurs explosé nos ventes, même la chanteuse Lizzo s'est acheté tout de suite une jupe ! Le défi le plus excitant, c'est de faire découvrir la marque à des plus jeunes générations tout en pensant à la dame de 80 ans qui va s'offrir un chemisier en soie.

Ces évènements sont aussi l'occasion de convier votre famille de cœur, vous aimez l'idée de bande ?

J'adore réunir des gens d'univers différents, la façon dont cela crée des émulsions créatives et intellectuelles.

Comme la chanteuse brésilienne Emmanuelle qui vit à Milan et a signé la bande-son du défilé, la rappeuse américaine Ice Spice ou encore l'artiste Tatiana Trouvé, rencontrée quand je travaillais avec Azzedine Alaïa.

Lui savait parfaitement créer des bandes, faire se rencontrer des gens aux profils éclectiques.

Je suis très sensible à la joie de vivre des Italiens, qui fait écho à l'esprit Pucci.

Pucci fait partie de ces maisons qui ont une signature visuelle immédiatement identifiable, comment la déclinez-vous ?

Je ne choisis que des imprimés issus des archives. Elles sont pléthoriques ! Pour la collection hivernale, j'ai repris des motifs existants mais en les agrandissant pour apporter une tout autre perspective.

Nous avons commencé aussi à éditer des objets, un pouf, un fauteuil de piscine, des jeux de cartes, un puzzle, un backgammon, même des faux ongles pour toucher une clientèle différente.

Mais on ne peut pas construire une marque sur des imprimés, je développe aussi des vêtements unis.

Vous avez travaillé avec des créateurs qui ont marqué leur temps comme Karl Lagerfeld et Marc Jacobs, qu'avez-vous retenu de ces années ?

J'ai énormément appris de ces personnalités charismatiques. Karl Lagerfeld avait toujours quatre longueurs d'avance, je me souviens de ses raisonnements brillants.

De mon expérience chez Chanel, j'ai gardé ce goût pour les images, j'en produis d'ailleurs beaucoup chez Pucci.

Quand nous travaillions ensemble chez Louis Vuitton, Marc Jacobs m'a appris une autre leçon importante. Pour lancer les collections avec Stephen Sprouse et Takashi Murakami, je me rappelle qu'il multipliait la présence de ces sacs lors des défilés pour leur donner plus d'impact.

Alors, lors du final du défilé à Florence, j'ai mis au bras de plusieurs mannequins le sac Puccinella, plein d'humour avec son raphia brodé de soie. J'ai commencé dans la mode en 1989, une autre époque.

Je ne veux pas verser dans la nostalgie mais j'ai eu la chance de vivre des moments vraiment uniques.

Après avoir œuvré dans l'ombre de ces personnalités, vous assurez désormais la direction artistique d'une maison. Aimez-vous être dans la lumière ?

C'est excitant d'être seule à la barre, d'avoir la liberté de monter ses équipes, de donner des directions. Bien sûr, cette mission m'occupe beaucoup l'esprit, je dors un peu moins !

Je comprends l'anonymat souhaité par Martin Margiela quand il dirigeait sa maison.

Si je suis ravie que ma personnalité puisse séduire les médias, surtout si cela sert le propos créatif, je dois avouer qu'à mon âge, c'est le cadet de mes soucis. La star reste la marque. Je me sens comme une pâte à modeler au service de Pucci.

De plus en plus de femmes se trouvent à la tête créative de grandes maisons de luxe, de quelle façon cela se reflète-t-il sur la conception d'une collection ?

On parle souvent des hommes qui ont dessiné des vêtements mais l'histoire de la mode a également connu d'importantes créatrices : Gabrielle Chanel, Elsa Schiaparelli, Madeleine Vionnet... Le processus créatif me semble plus instinctif pour une femme.

Quand je travaille sur un imprimé, je regarde toujours où le placer au mieux sur le corps. En tant que femme, j'ai envie de magnifier les femmes. Je voudrais qu'à travers les vêtements, elles se sentent belles et séduisantes.

Et surtout il faut que cela donne le sourire, c'est ma devise chez Pucci.