Un lieu enchanté, pour se faire du bien et prendre soin de soi. Lorsque l’on pousse la porte d’un salon de coiffure c’est souvent comme ça que l’on voit les choses. Et ce n’est pas faux : quand on le fréquente ponctuellement, le salon de coiffure est un espace où l’on prend plaisir à venir se détendre. Mais quand il s’agit du lieu où l’on travaille quotidiennement, l’environnement n’est pas toujours aussi plaisant…
Plutôt "tranquilles" vus de l’extérieur, les métiers du secteur de la coiffure exposent pourtant les salariés à de nombreux risques physiques et psychiques. Une facette beaucoup moins glamour de la profession, qui poussent de nombreux.ses coiffeurs.ses à subir ce métier, lequel avait pourtant d’abord été choisi par passion.?
Shampouiner, couper, brushinguer : des tâches qui favorisent les troubles musculo-squelettiques (TMS)
Le métier de coiffeur.se est un métier à risque, et ce n’est pas un secret. Il suffit de se rendre sur le site du Ministère de travail pour parcourir l’interminable liste qui recense toutes les menaces auxquelles les pros des ciseaux et de la colo sont confrontés chaque jour. Risques liés aux lieux de travail, aux tâches accomplies, aux produits, aux équipements de travail… L’énumération est plutôt costaud.
D’après les chiffres publiés par l’Assurance Maladie, les troubles musculo-squelettiques représentent 80% des maladies professionnelles dans le domaine de la coiffure, avec des douleurs fréquentes au niveau des mains, des coudes et du dos. En cause ? Les postures contraignantes et inadaptées face au bac à shampooing ou au fauteuil de coiffure, les mouvements répétitifs de torsions et de rotations des mains, les outils lourds à porter comme les sèche-cheveux… et d’autres raisons parfois plus indirectes comme des sols glissants et encombrés qui ont valu à Sophie, coiffeuse à Lyon, de chuter et de se fracturer un poignet. "J’ai depuis développé de l’arthrose du poignet, raconte-t-elle. Je continue à exercer mon métier, mais il y a des jours où la douleur est tout juste supportable, ce qui m’inquiète beaucoup pour l’avenir."
Outre le squelette, le système circulatoire essuie lui aussi les pots cassés. Comme tous ses confrères et consoeurs, Marine, coiffeuse dans la région de Nice, passe la plupart de ses journées debout, à piétiner aux quatre coins du salon, tantôt pour shampouiner une nouvelle tête, tantôt pour vérifier la pose d’une coloration. À 27 ans, elle souffre déjà de varices. "Je suis toujours bien coiffée, mais par contre, il ne faut pas regarder plus bas car je suis contrainte de porter des bas de contention toute l’année, même en été sans pouvoir les cacher", confie-t-elle mi-amusée mi-déprimée.?
Une ribambelle d’agents chimiques à l’origine d’affections respiratoires et cutanées ?
Une autre grande conséquence du métier de coiffeur(se)s : les affections respiratoires et cutanées. Huguette, coiffeuse aujourd’hui retraitée, se souvient d’un rendez-vous chez le pneumologue qui l'avait sommée d’arrêter de fumer. "Sauf que je n’ai jamais touché une cigarette et que le problème venait plutôt des produits que je respirais tous les jours", rectifie-t-elle. Et d’ajouter : "À mon époque, c’était pire qu’aujourd’hui : on laquait à gogo et on se souciait peu de ce que contenaient les produits de coloration."?
La manipulation quotidienne de shampoings, de produits de coloration et de décoloration… expose effectivement les coiffeur(se)s à des substances chimiques dangereuses. Susceptibles de pénétrer dans l’organisme par inhalation, contact avec la peau, voire ingestion, elles provoquent notamment des affections respiratoires ou cutanées : eczéma, asthme, rhinite…
En 2006, plus de 20 produits présentant des risques potentiels pour la santé (des client(e)s et des coiffeur(se)s) ont notamment été interdits dans la composition des colorations pour cheveux. Malheureusement, il est toujours possible de trouver bon nombre d’ingrédients douteux au sein des colorations chimiques (perturbateurs endocriniens, neurotoxiques…), et dans bien d’autres produits de coiffure comme les laques et les sprays coiffants.
Récemment, une étude canadienne publiée dans la revue Occupational & Environmental Medicine a révélé que plusieurs agents chimiques auxquels sont quotidiennement confrontés les coiffeur(se)s étaient susceptibles de favoriser le développement d’un cancer des ovaires. Sont notamment cités le talc cosmétique,?l’ammoniac, le peroxyde d’hydrogène, la poussière de cheveu, des fibres synthétiques, des colorants, des pigments organiques, de la cellulose, du formaldéhyde et des gaz propulseurs. Des recherches complémentaires doivent encore être effectuées, mais toujours est-il que les dangers sont bien réels. Alors que faire pour y remédier ??
Dangers liés au métier de coiffeur : quelles améliorations possibles ?
Évidemment, des mesures de protection existent déjà. Mais dans la réalité, elles ne sont pas franchement suffisantes. "Un exemple avec les gants : ma patronne nous pousse à utiliser des gants en nitrile plutôt qu’en latex (censés offrir une meilleure protection contre les produits chimiques, ndlr) mais il m’arrive parfois de carrément travailler à mains nues, tout simplement parce que je dois jongler d’un(e) client(e) à l’autre et que je n’ai pas le temps d’enfiler et renfiler mes gants, confie Anissa, coiffeuse à Paris. Nous avons aussi des exercices de mobilité affichés en réserve (pour atténuer les risques liés aux mauvaises postures, ndlr). C’est bien d’être informé, certes, mais honnêtement, personne ne prend jamais le temps de les faire". Bien qu’elle soit essentielle et utile, la prévention ne semble donc pas suffire…?
Celles et ceux qui s’insurgent - à juste titre - contre la pénibilité du métier de coiffeur(se)s réclament encore plus d’implication de la part des syndicats, des patrons (nettoyage rigoureux des espaces, achat de matériel ergonomique et léger, système de ventilation performant au sein du salon…) et bien sûr, de la part des fabricants. Pour Simon Assoun, co-fondateur des salons de coiffure bio, végétale et écologique Biocoiff', la piste de la coloration végétale est clairement l’une des solutions. "Ça sonne un peu comme un slogan marketing, mais c’est pourtant vrai : le végétal peut sauver des vies de coiffeurs.ses", nous assure-t-il.?
Le végétal, une solution pour un environnement de travail plus sain
Aujourd’hui, la plupart des salons de coiffure utilisent encore des produits chimiques. "Je ne dis pas que ça doit disparaître, nuance Simon Assoun. Ça ne disparaîtra jamais. La chimie a révolutionné le monde de la coiffure et je ne remets pas en doute tout ce qu’elle a pu apporter. Mais il faut aujourd’hui savoir ce que ça provoque et connaître les alternatives".
Et d’ajouter : "surtout quand on contacte la médecine du travail parce que l’on a les mains qui brûlent ou les doigts complètement abîmés et que la seule réponse que l’on obtient est de changer de métier."
Une situation à laquelle a été confrontée Tiphaine, coiffeuse à Paris.? "Au bout de 12 ans de métier, j’ai développé des allergies respiratoires aux produits de coiffure, raconte-t-elle. J’avais une toux chronique et on ne savait pas du tout d’où ça venait. J’ai dû faire beaucoup d’examens médicaux avant que l’on fasse enfin le lien avec ma profession. Il a été question de me faire passer en "travailleur handicapé" et de me faire complètement arrêter le métier, mais j’ai refusé et j’ai cherché une alternative : le végétal".
Contrairement à la coloration classique, la coloration végétale a pour vocation de teindre la chevelure de façon 100% naturelle, grâce à des extraits végétaux possédant un pouvoir colorant naturel, et le plus souvent issus de l’agriculture biologique. Hennés, plantes tinctoriales, poudres ayurvédiques… Ces actifs inoffensifs (à moins d'y être foncièrement allergique) sont mixés à de l’eau pour former une pâte onctueuse qui colore les cheveux en douceur, autant pour les client(e)s que pour les coiffeur(se)s. “C’est clairement ce qui m’a permis de continuer à vivre de ma passion", conclut Tiphaine.?
Si les choses tendent à évoluer positivement avec de plus en plus de salons adhèrant au tournant green, les établissements vraiment "100% végétal" restent encore assez rares, surtout hors des grandes agglomérations. Espérons que les pratiques évoluent plus vite et plus largement dans les prochaines années…