Comment le rouge s'est imposé comme la couleur de la saison

Cette saison, le rouge se porte comme un étendard. Carmin, vermillon, cerise, lipstick... Les rouges vifs ont ainsi pimenté les podiums de l'automne-hiver 2023-2024, surstimulés quelques jours auparavant par une Rihanna de feu au concert du Super Bowl : enceinte et vêtue d'un bustier en résine assortie à une combinaison écarlate Loewe.

Il n'en fallait pas plus pour enflammer les réseaux sociaux où #red et #redoutfits ont cumulé plus de 30 milliards et plus de 200 millions de vues.

La beauté non plus n'est pas en reste : pommettes rougies, bouche glossy vermeil – le rosso ancora du premier défilé Gucci par Sabato De Sarno est devenu viral – et ongles jelly red témoignent de son ubiquité.

"Cela faisait quelque temps que le rouge était en disgrâce dans la mode, analyse Vincent Grégoire, directeur consumer trends & insights chez NellyRodi. Même Valentino avait délaissé son carmin signature pour un pink Barbie.

Le rose, version édulcorée du rouge, se module alors que ce dernier s'apparente à une énergie qu'il faut canaliser. Dans le climat actuel du “quiet luxury” et du beige, cela témoigne d'une envie de partis pris, de positions fortes. 

Car le rouge est une couleur ambivalente, à la fois désirable et dangereuse puisqu'elle renvoie au feu et au sang, aussi associés à la vie et à la mort, au sacré et à l'enfer.

Pour la journaliste Charlotte Sinclair, qui lui a consacré une analyse, The Power of Red, il n'existe aucune teinte aussi fondamentale, autant liée aux pulsions humaines les plus primitives.

"Le rouge, c'est le panneau stop, (...) le danger, le sexe, la passion, (...) l'excitation, écrit-elle. C'est la couleur des rois et des reines, de la guerre et de l'empire, du théâtre et du pouvoir. Le rouge, c'est l'adrénaline, (...) la rupture avec les conventions. La teinte de la honte, (...) et de la rage." Rien de moins.

Bien sûr, depuis les toges pourpres des empereurs romains aux semelles rouges de Louboutin, la couleur rime avec une idée du luxe et du pouvoir. Qui s'est aujourd'hui diluée dans un certain bon goût quand elle apporte sa note de gaieté via un accessoire.

Mais cette saison, le rouge s'impose en total look. D'un manteau en laine The Row à un tailleur Prada ou une robe en maille Zadig & Voltaire, ses monochromes sont autant de shoots d'adrénalines dans la grisaille urbaine.

"J'avais envie d'une couleur qui tranche dans la ville, et le rouge s'est imposé comme une évidence, explique Guillaume Henry, qui l'a travaillé pour la première fois en "total look" pour le défilé Patou.

Ainsi huit tenues vermillon – de la parka au tailleur-jupe fendue – campaient une Parisienne chic et active. Il incarne la joie, le dynamisme et la spontanéité, des valeurs très Patou dont on a envie aujourd'hui plus que jamais. "Je le vois comme une teinte comestible, gourmande."

Du rouge piment aux effets cosmétiques de cuir glossy en passant par des laines presque poudrées, nuances et textures exhalent cet appel aux sens. Et à la versatilité intrinsèque de la couleur qui se déploie cette saison du jour au soir, égaie les noirs et les beiges et sublime toutes les carnations.