Pharrell Williams admirant les exploits de Léon Marchand à la Paris La Défense Arena durant les JO de Paris 2024, Emilia Clarke au Grand Prix de Formule 1 de Monaco, Zendaya assise en tribunes au tournoi de Wimbledon... Ces images ? Toutes les caméras les captent, puis les algorithmes les diffusent en boucle. De quoi se demander si les stars ne seraient pas en passe de voler la vedette au spectacle qui s'opère sur le terrain.
Mais comment ces personnalités sont-elles passées au rang de titulaires dans les arènes sportives ?
Les tribunes VIP dans les stades
Le sport est devenu un marché comme les autres. Les droits TV autant que les transferts d'athlètes se disputent à hauteur de centaines de millions d'euros et le prix d'une place de foot est chaque saison plus onéreux.
Les loges et tribunes réservées aux VIP constituent également un business juteux.
Il en existe dans les stades de football, de basketball, au sein des hippodromes comme dans les gradins de Roland-Garros et de l'US Open.
Les privilégié-e-s qui y siègent sont des client-e-s fortuné-e-s, des hommes et femmes d'affaires, des personnalités politiques cochant un événement de plus sur leur calendrier journalier... Mais aussi des célébrités.
Au départ, seul-e-s les people dont la passion pour un sport en particulier était connue de tou-s-tes — surtout des employé-e-s en charge des invitations— étaient convié-e-s. Mais ces gradins de plus en plus convoités ont vu leur casting changer ces derniers temps.
"Aujourd'hui ces guests ne sont pas forcément amateur-rice-s de sport, mais stratégiquement, iels savent qu'iels doivent aller à tel ou tel match parce qu'iels vont y rencontrer des décideurs et vont pouvoir faire du négoce ou créer du buzz", analyse Vincent Grégoire, directeur consumer trend & insights au sein de l'agence NellyRodi.
Un exemple ? Le 5 mai 2024, alors que Grand Prix de Formule 1 prend place à Miami, la vedette de l'événement ne s'appelle ni Lewis Hamilton ni Sergio Pérez. Celle qui les coiffe au poteau, c'est une certaine Camila Cabello qui fait sensation en déambulant dans le paddock à la recherche du pilote monégasque Charles Leclerc. Une séquence humoristique partagée sur son compte TikTok, qui a atteint les 33 millions de vues sur le réseau social chinois.
Les célébrités s'inscrivent dans la culture sportive
L'apparition des célébrités à des rencontres sportives ne s'est pas faite en un jour. Elle est en fait le résultat des phénomènes qui ont fait évoluer la société à grande vitesse ces quatre dernières décennies.
Premier facteur : la multiplication des chaînes de télévision depuis les années 80, qui a favorisé la naissance de canaux dédiés à la retransmission en direct de matchs.
Et parce que les stars de la pop culture prennent de plus en plus de place dans le quotidien de monsieur et madame tout-le-monde, bientôt, les dieux et déesses du stade doivent partager leur temps de passage à l'écran avec ces very important célébrités.
Les séquences les montrant confortablement installées en tribunes deviennent monnaie courante, surtout outre-Atlantique où la culture people est intimement liée au monde du sport. À titre d'exemple, les matchs importants qui se déroulent aux États-Unis sont tous introduits par l'hymne américain chanté par un-e artiste reconnu-e.
Le très médiatisé Super Bowl dispose, lui, d'un concert pendant la mi-temps que d'autres superstars viennent observer depuis les gradins.
Il faut aussi rappeler qu'au début des années 50, aux États-Unis, émergent les matchs de sport caritatifs avec pour participant-e-s des vedettes des arts audiovisuels ou de la chanson. Autant de rendez-vous qui renforcent la légitimité des stars dans la culture sportive.
À la manière des kiss cams qui montrent des anonymes dans le public, les stars installées aux abords des terrains sont filmées longuement.
En Europe, ce penchant pour les strass et paillettes est moins ancré dans les mœurs. Du moins jusqu'à ce qu'un club ne passe à l'offensive : le Paris Saint-Germain.
"Le Qatar Sport Investments (actionnaire majoritaire du club depuis 2011, ndlr) a dès son arrivée eu une vraie volonté de rayonner à l'international à travers le PSG", raconte Anissa Soltani, responsable protocole et relations publiques au PSG de 2017 à 2023. "C'est pour cette raison qu'il a été question de recevoir des VIP et V-VIP", explique-t-elle.
Pendant six ans, elle orchestre, avec ses équipes, le plan de la vitrine célébrités du Parc des Princes, constituée de près de 300 places.
La seule consigne ? Ne laisser aucun siège vacant. Michael Jordan, Rihanna, Vincent Cassel, Macklemore, Bella Hadid ou encore Timothée Chalamet occupent tour à tour la tribune centrale du stade, et ce, sans que le club demande une contrepartie.
"Ces places sont les seules qui soient inestimables. Ce qui explique que certaines stars ressentent l'envie de poster leur expérience sur les réseaux sociaux en guise de reconnaissance", affirme Anissa Soltani.
L'essor d'Instagram à cette même période influence les clubs du monde entier, leurs présidents et les marques propriétaires de tribunes VIP à communiquer sur la présence des stars les jours de matchs. Les arènes deviennent un défilé mondain.
Défilé de mode en tribunes
Il ne faut pas non plus oublier qu'au fil des années, les visages du sport de haut niveau voient leur cote de popularité exploser. D'idoles des fans de sport, iels deviennent des égéries de maisons de luxe ou de marque de beauté, des contrats qui offrent une nouvelle envergure sexy au domaine sportif.
Pour leur part, les prestigieux guests des matchs savent bien qu'iels sont filmé-e-s et photographié-e-s sous tous les angles par les caméras des stades. C'est donc l'occasion pour elleux de faire tourner les têtes en prenant place dans les loges ou au premier rang, paré-e-s de leurs plus beaux atours.
À l'image de Kim Kardashian qui travaille toujours ses tenues lorsqu'elle se rend à un match de basketball ou de football américain.
Tous les coups sont permis pour prendre la lumière. Comme Rihanna, qui surprend son monde avec une nouvelle coupe de cheveux rose bonbon lors d'un match de NBA en 2014.
D'autres appliquent la politique du "go big or go home" et sortent l'artillerie lourde. Au Super Bowl 2024, l'actrice Blake Lively a crevé l'écran avec son jogging Adidas rouge rehaussé de trois colliers Tiffany & Co. d'une valeur de 500 000 dollars. Rien que ça.
Plus récemment, lors des JO de Paris 2024, le nageur Léon Marchand a assisté à un match de basket vêtu d'un ensemble en denim extrait de la collection Louis Vuitton homme printemps-été 2024. Un témoignage de son amitié avec la maison de luxe française, qui l'a choisi comme ambassadeur en amont de la compétition sportive.
Un outil de communication puissant de nos jours
Les événements sportifs ne se passent aujourd'hui plus de leur longue liste d'invité-e-s renommé-e-s, responsables malgré elles de la hausse des ventes de maillots et des audiences TV.
Ces enjeux n'empêchent pas les équipes dédiées au placement de ces superstars de prendre quelques libertés avec le plan de table. Anissa Soltani se souvient : "Parfois, nous nous amusions à créer des featurings inattendus, à l'image d'un Kendji Girac assis à côté de Mick Jagger."
Plus encore, pour des disciplines comme la Formule 1 ou l'équitation, l'aura des people est sollicitée parce qu'elle éclipse les controverses liées au non-respect de l'environnement et à la maltraitance animale.
Mais ce sont peut-être les stars qui profitent le plus de ces invitations.
Comme la comédienne Zendaya, qui a assisté au tournoi de Wimbledon depuis la tribune louée par Ralph Lauren juste après la tournée promotionnelle du film Challengers (2024) dans lequel elle joue une tenniswoman retraitée. Le parfait moyen de prolonger l'existence de son personnage et d'inciter le public à garder en tête ce film sur le tennis réalisé par Luca Guadagnino.
Vincent Grégoire ajoute : "Pour ces artistes, people, et entrepreneur-e-s, venir aux matchs signifie descendre de son piédestal et se populariser au sens propre. D'un coup, ces stars ne sont plus uniquement dans les beaux salons feutrés, mais dans la vraie vie. Ça leur donne de la chair et de la consistance."
Alors les Jeux olympiques de Paris battent leur plein, c'est Snoop Dogg qui fait sensation chaque jour. Il anime et commente les épreuves pour la chaîne américaine NBC, preuve que les diffuseurs de rencontres sportives ont aussi besoin des célébrités pour capter de l'audience. Pour déployer ainsi sa personnalité fantasque, le rappeur californien s'est vu verser une somme colossale.
La loge, c'est le carnet d'adresses du président
Autre avantage pour les people : iels profitent de ce cadre informel pour cultiver l'entre-soi et échanger avec les élites. "Leurs discussions aboutissent parfois à des idées de collaborations ou de projets futurs. Dans chaque club, la loge représente le carnet d’adresse du président", confirme Anissa Soltani.
Cela n'aura pas échappé aux fans de mode, l'ouverture des rendez-vous sportifs aux célébrités est très similaire au système de la Fashion Week, lui qui a, depuis la naissance de la haute couture, offert un écrin privilégié à une certaine élite.
Car comme le rappelle Serge Carreira, le directeur des marques émergentes de la Fédération de la haute couture et de la mode : "dans les salons de couture dans les années 20 et années 50, les femmes du monde, qui étaient un peu les célébrités de l'époque, étaient déjà présentes."
L'expert souligne que la présence de personnalités aux défilés a plusieurs fonctions : optimiser l'attention portée à la marque et créer la préférence. "L'idée d'un show n'est pas tant de faire en sorte que les gens, le lendemain, se ruent pour acheter les vêtements que de savoir cibler des audiences pour imprégner une attraction vis-à-vis de la marque."
Une règle valable dans le sport également.