Clare Waight Keller est un électron libre. Celle qui a dessiné la robe de mariée de Meghan Markle a été l'autrice de deux collections Uniqlo en 2023 puis en 2024, avant que la marque japonaise ne se décide à l'enrôler en tant que directrice artistique. Un défi nouveau qui la conduit à faire un bond du luxe au prêt-à-porter grand public.

Elle évoque son nouveau poste dans les colonnes de Marie Claire.

Marie Claire : Crée-t-on de la même manière pour la haute couture que pour une marque grand public comme Uniqlo ?
Clare Waight Keller : Le processus créatif débute de la même façon : définir le concept, choisir les tissus, réaliser les dessins, puis lancer les prototypes. En revanche, le développement chez Uniqlo se révèle beaucoup plus long, car tout est testé scientifiquement. Comment le T-shirt va-t-il évoluer dans le temps ? Va-t-il boulocher, rencontrer des problèmes suite aux multiples lavages... Je suis sensible à l’honnêteté derrière cette démarche de proposer un pull en cachemire pensé pour durer des décennies.

Comment concevoir un vestiaire pour des générations, des cultures et des genres différents ?
C’est un processus intéressant d’imaginer des vêtements à la fois intemporels et universels. Les collections doivent autant s’adapter au climat tropical de l’Asie du Sud-Est qu’à la météo plus froide et pluvieuse du nord de l’Europe. Nous prenons également en compte les religions, avec, par exemple, des vêtements modestes qui couvrent le cou et les bras tout en restant agréables à porter pendant la saison humide.

Comment travaillez-vous à la fois sur la ligne principale et la collection Uniqlo : C ?
Uniqlo : C est commercialisée à des prix un peu plus élevés, avec des matières plus sophistiquées. Je la considère comme un laboratoire pour expérimenter de nouvelles idées et des formes différentes. L’année dernière, nous avons lancé un jogging pour homme qui a été en rupture de stock et qui va intégrer la collection principale.

Cette dernière est constituée à moitié de basiques qui fonctionnent très bien et que je vais à peine toucher. Je travaille surtout sur la deuxième moitié de la proposition, plus saisonnière. Apporter un twist, lancer de nouveaux tissus, puiser dans les dernières technologies.

Quels rapports les Japonais-es entretiennent-ils avec la mode ?
C’est un pays où l’on consomme moins qu’en Occident. Tout d’abord parce que les appartements sont plus petits, mais aussi parce qu’il y a cet état d’esprit de choisir consciencieusement de belles choses.

Les Japonais apportent un soin particulier à leur façon de se présenter au monde, donc de s’habiller. L’esthétique nippone reste de loin la plus admirée pour l’attention aux détails, la manière dont l’histoire transparaît dans la culture et cette quête quotidienne de la beauté.

Quel regard portez-vous sur la mode aujourd’hui ?
Il devient difficile de se démarquer dans une industrie qui va de plus en plus vite et qui comprend tellement de propositions, celles de grandes maisons comme de jeunes créateurs. Uniqlo réussit à être une marque à la fois démocratique et très respectée pour son travail sur l’innovation, la qualité, la quête des meilleurs basiques.

J’apprécie le fait d’apporter la même attention et la même précision à la création d’un basique qu’à celle d’une pièce très complexe.