La question peut paraitre anecdotique, voire complètement superficielle, et pourtant, elle pourrait bel et bien redéfinir les contours de l'élégance contemporaine et le visage de nos vestiaires.

Et pour cause un simple coup d'oeil sur les dernières collections hivernales suffit à confirmer que la mode est à l'aune d’un bouleversement chromatique inédit.

Couleur jugée d'une tristesse absolue, reléguée au manque d'audace stylistique ou tout simplement à l'ennui vestimentaire, le gris serait pourtant en passe de devenir l'archétype de la tendance et de détrôner celle qui, depuis la révolution de Gabrielle Chanel, reste considérée comme le comble de l’élégance : le noir.

Le gris, nouvelle couleur fétiche de la mode

Du gris charbon au gris ardoise en passant par l'acier, l'argent ou l'indétronable chiné, les nuances de gris investissent avec véhémence les tendances, conjuguant son ascendance formelle héritée du tailoring sur un mode tantôt arty, tantôt cérébral.

Chez Miu Miu, le gris s'invite par exemple sur des cardigans au charme suranné comme sur des manteaux XXL qui venait dédramatiser ses jupes midi en maille ou encore ses silhouettes "culottes".

Pour Fendi, le gris se dévergonde à grands renforts de superpositions inattendues, comme celle d’un pardessus oversize sur un blazer ou d’une micro-jupe sur un pantalon.

Un mood très "50 shades of Grey" que l'on retrouve aussi chez Loewe, Jonathan Anderson n’hésitant pas à proposer des totals looks anthracite, tandis qu’Alexandre Mattiussi chez AMI s'applique à disséquer des gris souris et des nuances métalliques sur des silhouettes au chic décontracté.

Le gris, teinte versatile par excellence

C'est d'ailleurs cette essence même du gris qui explique en partie son récent plébiscite : contrairement au noir, il peut se décliner dans 1001 nuances aux combinaisons chromatiques multiples.

Plus pragmatique que la couleur blanche, plus urbain que le beige, plus formel que le bleu, il évite l’écueil de la solennité à fleur de peau que l’on tend à reprocher au noir, tout en jouant sur des registres variés.

Féminin ou masculin, festif ou bureaucratique, rétro ou futuriste, le gris se fait, sous l’impulsion des designers, une couleur protéiforme au service des histoires stylistiques de ces derniers.

Un sens de la narration dont s'empare les fashionistas aguerries que l’on repère aux abords des défilés, dégainant slip dress satiné, tailleur 3 pièces, cachemire oversize, jupe à sequins, chaussettes montantes, et parfois tout à la fois, pour clamer leur passion pour cette teinte versatile qui semble, plus que le noir, capter le mood du moment.