Le programme du jour 2 de la semaine de la mode parisienne s'annonçait excitant. Il était rythmé, entre autres, par les défilés des maisons Saint Laurent, Hodakova, Dior, Ester Manas, Germanier et celui de Vaillant. Depuis son lancement en 2020, la griffe de prêt-à-porter esquisse sa définition de la féminité à coups de silhouettes agrémentées de dentelle et de pièces outerwear grandiloquentes, qui ont achevé de séduire les expert-e-s du style, dont le personnage de Camille dans Emily In Paris.

Références à l'œuvre de Cristóbal Balenciaga, vêtements en nylon technique italien, nouvelle palette chromatique et clins d'œil à la danse, premier amour d'Alice Vaillant... La styliste montante revient sur son dernier défilé qui fera date dans l'histoire de la marque.

Les inspirations de la collection ?
Alice Vaillant : Tout a commencé après un voyage à Séville au cours duquel je suis tombée sur des danseuses de flamenco dans la rue. Le flamenco est une danse super sensuelle avec des femmes très fortes, électriques, un peu chamanes. C'est quelque chose qui m'inspire beaucoup, d'autant que la danse fait partie de mon parcours.

J'ai aussi beaucoup regardé le travail de Cristóbal Balenciaga pour inspirer les volumes de mes vêtements qui sont très généreux, leur technique et leur construction. Il y a aussi quelques références aux années 60 et au rétrofuturisme dans les silhouettes, avec les sacs et les petits chapeaux.

Qu'est-ce qui vous inspire dans le travail de Cristóbal Balenciaga ?
C'était vraiment un maître de la technique, de la construction et c'est vrai que plus j'avance dans mes collections, plus je ressens l'envie de travailler davantage les coupes et d'avoir des volumes encore plus singuliers.

Dans cette collection printemps-été 2025, on voit des plumes, des pompons et des volants. Le mouvement est toujours au centre de votre création…
Le mouvement, ça m'inspire. En l'occurrence, la façon dont les matières tombent sur le corps, dont elles réagissent quand on est en mouvement. C'est aussi lié à mon parcours avec le classique [Alice Vaillant est une ancienne ballerine de l'Opéra de Paris, ndlr], tandis que les pompons sont un clin d'œil au flamenco et à toute cette culture espagnole que j'aime beaucoup.

Concernant la palette chromatique, il semble que cette saison la femme Vaillant est plus sombre. Une manière de signifier sa nouvelle maturité ?
Peut-être. Je pense que le lieu a aussi beaucoup à voir avec la manière dont on perçoit la collection. Après avoir défilé en haut du centre Pompidou, où nous baignions dans la lumière, j'avais envie de complètement changer d'image pour un rendu plus sombre. Résultat, il y a certainement moins de couleurs dans cette collection, mais il y a des teintes super fortes telles que le bleu électrique, l'orange et le rose.

Et oui, d'une certaine manière, la femme Vaillant grandit, évolue. Sûrement qu'elle devient un peu plus mature.

En effet, cette saison, le défilé avait lieu non pas au Centre Pompidou, mais à la Poste du Louvre. Pourquoi avoir choisi cet endroit spécifiquement ?
Pour moi, c'était un rêve de défiler là-bas, parce que le bâtiment, signé Dominique Perrault, me plaît beaucoup. C'est une architecte incroyable que j'affectionne également.

Je trouve que cette architecture fonctionne super bien avec Vaillant parce que c'est très sharp, moderne et avec ce que je fais, c'est le bon équilibre. Je souhaitais aussi changer de lieu de défilé, parce que justement j'avais cette envie de sombre pour cette collection dark teintée de touches de blanc et de brillance.

Les saisons passées, les manteaux Vaillant ont fait couler beaucoup d’encre en raison de leur beauté. Quelles sont pour vous les pièces maîtresses de la collection cette saison ?
L'outerwear figure quand même parmi les pièces maîtresses cette saison, bien qu'il s'agisse du printemps-été. L'un des vêtements phare, pour moi, c'est le manteau en plumes qui est très "image". J'aime aussi tout le travail des petits blousons, spécialement de la veste aviator et du blouson bomber. Je les adore.

Est-ce qu'il y a des pièces qui vous ont poussé dans vos retranchements en termes de fabrication ?
Toutes les pièces sont hyper travaillées. L'une qui a quand même été assez compliquée, c'est le corset en métal. C'était la première fois que nous faisons une collaboration comme ça avec Le Chemin des Maquettes, un artisan qui travaille cette matière. C'était dur, parce que nous avons lancé ce projet il y a plus de six mois, sans savoir quelle fille allait le porter.

C'est un ouvrage intense, d'autant que c'est fait main, donc on ne peut pas refaire le corset 15 000 fois.

C'est quasiment une pièce de couture ce corset. Il sera vendu en édition limitée ?
Pour moi, c'est une pièce de musée. La dentelle est une signature que j'aie depuis le début. L'idée était de travailler ce corset avec des ajourés qui font penser à de la dentelle, mais de façon plus abstraite.

Votre casting de mannequins était plutôt divers en termes d'âges, d'ethnies et le mannequin dit "plus size" Ashley Graham a clos le défilé. Quels sont les principes que vous appliquez en termes d’inclusion sur votre podium ?
C'est hyper important pour moi de rester dans cette ligne directive. Je pense qu'il manque d'inclusion, clairement, et que les autres marques, les grandes marques notamment, devraient aussi en faire plus. En tant que griffe émergente, je pense que nous devons aussi un peu pousser les codes à ce niveau-là.

J'ai vraiment envie que toutes les femmes, quand elles voient Vaillant, puissent s'imaginer dans le vêtement et se sentir représentées. Il est vrai que nous sommes assez tributaires de nos acheteur-euse-s qui, en général, nous prennent du 36 et du 38, du S et du M, parfois du L. Donc c'est ce que nous avons tendance à créer. Mais là, j'avais réellement envie de pouvoir proposer la robe portée par Ashley Graham à de nombreuses femmes qui, peut-être, ont trouvé qu'elle était sublime dans ce vêtement et ont envie d'être sublime dans le même vêtement. Elle est donc disponible jusqu'à une taille 46.

Évidemment, le but est de proposer toujours plus d'inclusion, mais c'est aussi beaucoup d'investissement.

Beaucoup d'investissement et un travail plus technique qu'il n'y paraît...
Oui, et puis il faut bien le faire. Pour créer de la grande taille, il faut soigner toute la gradation, il ne suffit pas simplement d'agrandir un vêtement. Il faut tout réadapter, ce qui nécessite, par conséquent, un vrai travail technique.

En l'occurrence, la robe d'Ashley Graham est pourvue de baleines, donc il y avait une structure interne à repenser méticuleusement.

Vous avez remporté le Grand Prix Mode, Talent Émergent des Grands Prix de la Création de la Ville de Paris en 2023. En quoi cela a marqué un tournant pour vous ?
C'est incroyable quand on travaille énormément de se sentir reconnu-e. Il y a eu le Grand Prix, il y a eu aussi la finale de l'Andam 2024. Ça m'a quand même beaucoup apporté. Et c'est aussi un entraînement de devoir passer devant des jurys.

Cela fait plusieurs années que vous détonnez à la Fashion Week de Paris. Vous considérez-vous encore comme une jeune créatrice, comme une créatrice émergente ?
Je pense que c'est plus aux autres de le dire. Pour certaines personnes oui, pour d'autres non. Mais ce n'est pas mon rôle de déclarer si je suis encore émergente ou pas. Mon but, c'est que la marque continue à évoluer à la vitesse à laquelle elle a déjà évolué en quatre ans.

Quelles étapes souhaitez-vous franchir pour faire évoluer la marque davantage ?
Continuer d'agrandir l'équipe et de voir encore plus de femmes dans la rue habillées en Vaillant.

Au calendrier de la Paris Fashion Week, vous êtes l’une des rares femmes à représenter un label qui porte son nom. Est-ce que ce statut influence votre manière de réfléchir votre travail ?
En tout cas, c'était important pour moi que ma marque s'appelle Vaillant. J'aime mon patronyme et ce qu'il représente. J'en ai joué sur le titre de la dernière collection, qui est baptisée "Vaillantes". J'adore tout ce que ça représente.

Vaillant, c'est moi, mes émotions, mon instinct, la façon dont j'évolue en tant que femme. Je mets tout ça dans ma marque. Et c'est pour ces raisons qu'il était logique que cette maison porte mon nom.