Méthodes "75 hard", "5-12-30", "3-2-8" ou encore "dry scooping". Ces contenus aux noms barbares pullulent sur TikTok et finissent bien souvent en trends - ou tendances - auxquelles nombre d'entre nous tentent de s'essayer pour bénéficier des résultats spectaculaires vantés. 

Une verticale sport qui prend de l'ampleur sur le réseau - nommée FitTok - et qui comptabilise aujourd’hui près de cinq milliards de postes. Mais comme tous les types de contenus sur la plateforme, beaucoup sont à prendre avec des pincettes. 

Des recherches menées sur le sujet incitent même à la prudence, pour la santé physique, comme psychique. Une étude, parue dans la revue PLOS ONE en 2022, a ainsi analysé plus de 1000 publications TikTok "relatives à l'alimentation, à la nutrition et à la perte de poids".

D'après les chercheurs, toutes contenaient "des contenus normatifs, voire culpabilisants en matière d'image, comme la glorification de la perte de poids".

Une autre étude, publiée cette fois dans la revue Frontiers in Public Health en 2022, explicite que "la qualité et l'exactitude des contenus des influenceurs fitness sont une préoccupation". 

Des vidéos qui doivent être consommées avec précaution

Pour Mathieu Fafournoux, coach sportif, il n’y a pas que du mauvais sur la plateforme - l’exemple de la méthode 5-12-30 en est la preuve - toutefois, la nuance réside dans la capacité à savoir bien identifier les sources sûres et à se mettre assez à distance pour sélectionner des entraînements qui s’adapteront à notre condition physique, notamment car "quand on copie-colle, c’est généralement très mauvais". 

Pourquoi n’est-il pas conseillé de prendre des conseils, partagés en ligne, au pied de la lettre ? Car, "en fonction des gabarits, des métabolismes, des modes de vie, des alimentations…. Nous n’allons jamais avoir le même effet et ça peut être décourageant", poursuit le spécialiste. 

De même, la popularisation des entraînements à la maison - qui a du bon, car, elle permet au plus grand nombre d’accéder à une activité physique sans forcément avoir à dépenser ou à se confronter à leur peur de la salle de sport - peut favoriser les blessures. 

"Il n’y a qu’avec un professionnel que l’on peut s’assurer que le mouvement est bien réalisé, que la charge est adaptée…", acquiesce Mathieu Fafournoux. 

Comment bien choisir ces entraînements en ligne ?  

Justement, dès que le doute s’installe, qu’une pratique paraît trop extrême ou qu’elle semble nécessiter quelques ajustements pour nous convenir, demander conseil à un professionnel est recommandé. 

"Sinon, le risque, c'est la blessure, l’épuisement. Il faut vérifier auprès d’un pro, ou au moins sur Internet, en sourçant, sans se fier aux commentaires qui peuvent vanter de multiples bienfaits. Ça permet de créer le relais, et surtout, on ne prend pas de risque".

De même, apprendre à cibler les entraînements sûrs est la clé pour profiter des bons côtés de la plateforme. "Dès que c’est trop extrême, il faut se méfier et rester pragmatique. On progresse grâce à la régularité et pas forcément grâce à l'intensité. Il vaut mieux faire une séance toutes les semaines, que faire du sport à fond pendant deux mois", rappelle le coach. 

Parmi ces entraînements dangereux, trois méritent d'être détaillés et quelques précautions d'y être apportées. 

Challenge "75 Hard", un risque de blessure accru 

Le challenge qui a le plus la cote en ce moment est le "75 hard". Il se décompose en six règles précises : respecter un régime alimentaire strict, ne pas boire d'alcool ou s'accorder de cheatmeal, boire presque 4 litres d'eau, lire 10 pages de livre de développement personnel, prendre des photos de son évolution et enfin, pratiquer deux séances de 45 minutes de sport et ce, tous les jours, pendant 3 mois et demi (ou 75 jours).  

@thenickienicole Decided to push my physical and mental journey further by doing the 75 Hard Challenge starting on 1/1/24? All of these challenge stipulations must be implemented for a straight 75 days - no skipping ???? Follow along on the journey and let’s see what we all can achieve ???????? #75hardchallenge #75hard #fitnessjourney ? act ii: date @ 8 - 4Batz

"C'est une manière de s'entraîner qui n'est pas pérenne et surtout, qui peut vite déraper. On va facilement se faire des tendinites, des déchirures ou se dégoûter du sport. Deux séances par jour, c'est ok pour une très faible partie de la population, entraînée et surtout encadrée. Sinon, il faudrait un temps de récupération énorme entre les deux séances, donc ne rien avoir à faire de sa journée. L'extrême n'est jamais bon". 

De même, se priver de manger ce que l'on veut va nourrir la frustration, quand boire presque 4 litres d'eau dans la journée n'est tout simplement pas recommandé (l'ANSES conseille d'en consommer environ 2 litres par jour). 

"En plus de tout ça, se donner une limite dans le temps, ce n’est pas bon. 80% des gens vont finir dégoûtés et avoir du mal à se remettre au sport ensuite. C’est très vendeur, car les effets sont incroyables, mais le taux d’échec va être énorme", complète le coach. Et quid de l'après 75 jours ? 

Le "Dry scooping", une tendance dangereuse et inefficace

Désormais sur TikTok, impossible de trouver des vidéos listant les bénéfices du "dry scooping". La recherche lancée, le seul résultat qui nous est présenté est le message de prévention suivant : "Ta sécurité est importante. Certains défis en ligne peuvent être dangereux, dérangeants, voire fabriqués de toute pièce. Apprends à les reconnaître pour protéger ta santé et ton bien-être". 

Et pour cause, pendant plusieurs mois, des centaines d'utilisateurs expliquaient en quoi ingérer une dose de protéines en poudre (ou autres préparations pré-entraînement) pure - sans la diluer dans un liquide -, leur permettait de décupler leurs performances lors de leur séance de sport, l'absorption des nutriments étant (supposément) maximisée.

"Il y a beaucoup de dérives sur ces sujets-là, il faut faire très attention. Selon notre métabolisme, nous ne sommes pas réceptifs de la même manière, suivant le moment où la protéine est consommée. Mais une chose est sûre, ces produits sont faits pour être dilués. Je ne suis d'ailleurs pas certain que l'absorption soit meilleure, car l’eau est neutre", nuance Mathieu Fafournoux. 

"Ces affirmations ne sont pas fondées par la science. De plus, cette pratique comporte plusieurs risques potentiels, dont certains peuvent être graves", confirme également Healthine. Le média spécialisé cite ainsi des inhalations accidentelles, des troubles digestifs ou encore des palpitations (de nombreuses poudres pré-entraînement contenant de fortes doses de caféine).

Et le coach sportif martèle, avant même de prendre ce type de compléments, "demandez à un pro, car il faut observer ce que votre corps peut supporter. Il n'y a pas de réponse commune". 

"Mommy pooch workout" : un entraînement culpabilisant et mensonger

Dans l'étendue d'entraînements culpabilisants - qui seraient susceptibles de cibler des parties du corps présentées comme "disgracieuses", afin de les renforcer et de se débarrasser du "gras" - le "mommy pooch workout" (traduisez "entraînement pour perdre le ventre de maman") est l'un des plus problématiques. 

Car s'il vante plusieurs exercices de renforcement musculaire au niveau des abdos et du dos, il inclut bien souvent des arguments très vendeurs (type "cette routine vous offrira des résultats en quelques semaines) qui peuvent initier des blessures et nourrir un mal-être quand les abdos promis ne se font (logiquement) pas voir. 

@moni_amezcua Beciase i’ve been struggling with that “mommy pooch” and I’m too poor for a tummy tuck, so here we are ??. . #core #mommypooch #diastasisrecti #mombod #fitmom #coreworkout #momoffive #fyp #parati #momsoftiktok ? Give Me Promiscuous (TikTok Mashup) - Remix - ROSE BEAT

Pour rappel, selon la Haute autorité de santé (HAS), "l’activité physique peut reprendre généralement 4 à 6 semaines après un accouchement par voie basse ; au moins 8 à 10 semaines après un accouchement par césarienne ou après un accouchement ayant nécessité une épisiotomie", et il faut, avant tout, "en discuter avec une sage-femme ou un médecin qui adapteront le délai (et le type d'activité) à votre situation".

Et du point de vue de Mathieu Fafournoux, ce type de vidéos est également délétère pour les jeunes mamans. "Je le re-précise, mais on ne peut pas cibler une zone, le corps va réagir comme il veut et différemment selon les personnes. C'est quelque chose que l'on ne contrôle pas, ça dépend du métabolisme. Il faut surtout bien s’encadrer et être patiente et indulgente envers soi-même". 

Encore plus après un accouchement, où l'accompagnement doit être "encore plus rigoureux", en complément d'une rééducation du périnée. "On peut très bien faire une descente d'organes si toutes ces choses ne sont pas réunies", appuie le professionnel. 

Si TikTok est ici épinglé, il est important de noter que ce genre de contenus est également largement présent sur Instagram ou encore YouTube. Preuve en est, le journal BMC Public Health a observé, en 2023, que "deux tiers des principaux comptes Instagram 'fitspiration' ne contenaient pas d’informations crédibles".

En bien-être, sport ou encore en nutrition, n'oublions donc pas que le mieux-être commence d'abord par des conseils de professionnels avisés.