1954, Alfred Hitchcock présente son nouveau film, Fenêtre sur cour. Un long-métrage qui fait prendre un autre tournant à la carrière de celui qui officie depuis déjà trois décennies en tant que maître du suspens au sein des films hollywoodien. À l'affiche, James Stewart, vétéran du cinéma et du théâtre.
Et pour lui donner la réplique, Alfred Hitchcock choisi de mettre en avant sa nouvelle muse, déjà introduite dans le long-métrage Le crime était presque parfait sorti la même année. Son nom ? Grace Kelly.
Une actrice qui deviendra bientôt une figure tutélaire du cinéma américain et dont le nom résonnera à l'international, en particulier dans la principauté de Monaco, de l'autre côté de l'Atlantique.
Grace Kelly, le style hollywoodien
Si l'on parle bien souvent du rapport privilégié qui existe entre la mode et la musique, l'on évoque beaucoup moins le lien qui l'unit au cinéma. Pourtant, regarder l'explosion d'une actrice comme Grace Kelly, qui a fait ses armes au cinéma dès le début des années 50, continue d'en dire beaucoup sur l'époque, et ce, en termes de mode autant qu'en termes de mœurs.
Je pense qu'il est important de voir la personne d'abord et les vêtements ensuite.
À cette période, l'austérité des années 40 laisse place à l'hyper consommation venue tout droit des États-Unis. Un aspect dont profitent les studios de cinéma qui s'attachent à sortir les gens de leurs mornes quotidiens et deviennent ainsi de véritables usines à rêves. C'est dans ce climat ambigu que Grace Kelly connaît la gloire grâce à son rôle dans Le train sifflera trois fois, long-métrage de Fred Zinnemann sorti en 1952.
Sa silhouette frêle et son élégance naturelle la démarquent des actrices de l'époque, lourdement sexualisées par le cinéma, à l'instar de Marilyn Monroe ou encore d'Elizabeth Taylor. John Ford, premier réalisateur à lui donner sa chance, dira que ce qui lui a plus chez elle, c'est avant tout le milieu social auquel elle appartient et son sens de l'élégance.
Un style qui correspond parfaitement à celui que Hollywood entend imposer à ses actrices, et ce, depuis 1934. C'est à cette date qu'est appliqué le Code Hays, ensemble de règles mis en place par les productions pour censurer à l'écran la violence, les scènes à connotations sexuelles, les couples racialement mixtes et tout ce qui pourrait compromettre "les bonnes mœurs" de l'époque.
À l'écran comme à la ville, Grace Kelly se démarque parce qu'elle est très peu maquillée et porte des tenues élégantes qui dévoilent peu, voire pas du tout son corps. "Je pense qu'il est important de voir la personne d'abord et les vêtements ensuite", se plaît alors à déclarer l'actrice.
On la voit arborer le New Look de Christian Dior, l'un de ses designers favoris, mais aussi le pantalon tailleur, le col roulé sans manches, la chemise blanche... En quelques mots, Grace Kelly a l'aura de la girl next door américaine de bonne famille, un tantinet bourgeoise, mais qui a le bon goût de conserver sa simplicité.
Une princesse du cinéma à Monaco
1955. L'actrice américaine est en séjour sur la Côte d'Azur pour le Festival de Cannes. Enfant chérie des États-Unis, elle est conviée à une séance photos avec le prince Rainier III. C'est le coup de foudre. De retour aux États-Unis, des lettres sont échangées et le prince vient même passer les fêtes de Noël dans la famille de Grace Kelly.
Le 6 janvier 1956, le couple annonce ses fiançailles et l'actrice accepte de renoncer à sa carrière au cinéma. Le 18 avril de la même année, Grace Kelly épouse son prétendant lors d'une cérémonie longtemps appelée "le mariage du siècle". Retransmis en direct en Eurovision, ce qui permet à tous les pays de l'Union européenne de suivre la cérémonie, le mariage compte 600 invité-e-s et réunit plus de 30 millions de téléspectateur-rice-s.
Mais c'est la robe de mariée de celle qu'on appelle déjà Grace de Monaco qui attire tous les regards. Comme le veut la coutume pour les stars de cinéma, c'est son studio, la Metro-Goldwyn-Mayer, qui la lui offre, et ce, malgré l'annulation de son contrat.
Helen Rose, sa costumière favorite, conçoit cette jupe de faille en soie ivoire soutenue par trois jupons et le corsage au col rond ras de cou en dentelle rose de Bruxelles entièrement rebrodé et agrémenté de perles de culture. Les perles et dentelle couvrent également le missel, les chaussures et le voile.
Le studio accepte même de financer le mariage, dont le coût s'élève à 300 000 millions de francs, en contrepartie de l'exclusivité quant au film officiel qui sera tourné à cette occasion. Intitulé Le Mariage de Monaco, il est réalisé par Jean Masson et son assistant, Jacques Demy, qui se fera bientôt lui aussi un nom au cinéma.
Princesse, Grace Kelly change peu de choses au style original que lui ont conféré ses costumières fétiches alors qu'elle était actrice. Elle continue à soutenir Dior dont les collections sont alors dessinées par Marc Bohan. À la simplicité des lignes et des coupes, elle ajoute les accessoires comme le foulard, les colliers à trois rangs de perles, les turbans...
Et puis un sac signé Hermès, qui depuis 1935 porte le nom de "sac à dépêches". En 1956, alors que la princesse de Monaco attend son premier enfant, elle l'utilise pour protéger son ventre des regards indiscrets. Le modèle fait le tour de la planète et se fait promptement rebaptiser le "Kelly".
Dans les années 60, elle figure dans l'International Best Dressed Hall of Fame List pour son statut d'icône qui promeut la mode américaine. En parallèle, elle imagine le maillot de l'AS Monaco, club de football dont elle est la marraine. Un pas de côté qui prouve son humour et à quel point elle a pris avec sérieux son rôle de première dame de Monaco, à défaut de pouvoir accepter ceux que n'ont jamais cessé de lui proposer les réalisateur-rice-s américain-e-s.
De Grace Kelly ont été gardés un it bag devenu mythique et un sens de l'élégance qui continue d'être envié, imité, mais jamais égalé.