TikTok va-t-il nous faire entrer en "coiffure thérapie" ? La question est légitime face au succès de la Hair Theory. Le courant aux millions de vues affirme que la manière dont nous stylisons (ou non) nos cheveux influence la façon dont nous sommes perçus. Le hashtag viral met en scène des beauty addicts au visage neutre, qui enchaînent les coiffures pour montrer l’impact de leurs looks sur leur apparence.

Vrai truc ou énième théorie fumeuse ? Décryptage avec nos expert.es.

Un véritable langage des coiffures

On sait depuis longtemps que l’apprêt de nos cheveux exprime parfois l’adhésion a` une mode, une conviction, voire une contestation. Mais on a peu conscience qu’il peut aussi véhiculer des messages plus ou moins conscients sur notre identité profonde. Des influenceuses beauté du monde entier ont suivi ce fil d’Ariane pour formaliser intuitivement un certain langage des coiffures.

Cette grammaire du cheveu tisse des correspondance entre les traits de caractères et nos coupes, styles ou coiffures. Comme rapporté par le site du magazine Vogue, une coupe courte à la garçonne témoignerait d’une autonomie et d’une certaine franchise. Des cheveux mi-longs exprimeraient un caractère décontracté, à mi-chemin entre esprit pratique et goût pour le style. Une coupe longue serait le signe d’une féminité assumée ou d’un besoin d’embrasser les conventions (les cheveux longs restent portés par une majorité de femmes).

Vous portez deux tresses ? Il se pourrait bien que soyez d’un tempérament espiègle, à moins que vous ayez une envie passagère de retour en enfance. Autres stylismes révélateurs : un cheveu en mode Wet-look résonnerait avec un désir d’affirmer notre attraction, notre glamour. Mettre des boucles en exergue serait synonyme de tempérament vivant, dynamique. De quoi réfléchir à deux fois avant de nous coiffer le matin !

"Certes subjective, cette théorie apparue sur les réseaux est intéressante : au même titre que les vêtements, la manière de coiffer les cheveux, leur couleur, le soin qu'on leur apporte dit évidemment beaucoup de nous", estime Jérémie Zayonnet, ambassadeur de la marque d’outils capillaires Revamp en France.

Selon le fondateur de l’organisme de formation coiffure ZAJAG, adopter la mèche bandeau ou d’autres stylismes qui encadrent bien les contours du visage peut traduire une envie de cacher certaines facettes de soi. S'attacher les cheveux montre un côté plus affirmé : "On n'a pas peur de montrer son visage dégagé ; cela dénote aussi une volonté d’agir ou une facilité à passer à l'action", dit-il.

@ameliaferland

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Gare au contexte

Toutefois, une coiffure peut être interprétée de manière différente selon les situations. "Prenez la queue-de-cheval : il y a un gouffre entre la ponytail rapide qu’on fait naturellement pour aller au cours de sport et celle, très sophistiquée voire guindée, plus indiquée en soirée. Si vous adoptez cette dernière pour votre séance de crossfit, ça ne raconte pas la même chose", illustre Jérémie Zayonnet. Une grille d’analyse qui vaut pour le chignon (messy bun versus chignon strict).

Un goût pour la structure, la propreté, le contrôle

Une raie au milieu, des mèches de cheveu placées derrière les oreilles... "Les coiffures soignées racontent un certain goût pour la structure et la propreté. Elles trahissent aussi une quête de contrôle, un goût pour le détail et la précision, parfois une peur de la spontanéité", précise l’expert.

Idem chez les femmes qui se lissent sans cesse les cheveux : ces profils peuvent aussi être dans une certaine insatisfaction, ou plus simplement d’être en recherche d'ordre, de maîtrise. "Certaines embarquent partout leurs lisseurs ou boucleurs portatifs, en format de poche", note l'ambassadeur Revamp. Porter ses cheveux au naturel dessine à l’inverse une personnalité sans filtre et spontanée, détachée de son image.

Une frange en paravent de nos pensées et émotions

"Le lien entre coiffure et psyché est réel", confirme la psychothérapeute Alexia Balabouka. Après trois ou quatre séances, je note que mes patientes prennent plus soin d’elles, et cela passe essentiellement par la coiffure". Deuil, séparation amoureuse, changement professionnel… Un changement soudain de coiffure peut traduire un désir de rupture ou de renouveau.

"On peut adopter une frange pour se la jouer Clara luciani ou Juliette Armanet, mais aussi parce qu’on a envie de cacher une part de soi", affirme-t-elle. Et de citer Laeticia Hallyday et son éternelle mèche longue au travers du visage, raccord avec ses lunettes de soleil portées par tous les temps. Mais parfois, la coiffure est juste une réponse pratique à une situation donnée : "j’ai moi-même opter pour la frange à vingt ans, car j’ai commencé à avoir des cheveux blancs autour de la tête". Une problématique pour certaines, qui explique aussi leur recours à la teinture.

Des teintures révélatrices

"La couleur peut aussi répondre à une envie de se démarquer", évoque la psy, qui appelle à distinguer les types de teintures. D’après la pro, balayages, mèches, méthodes d’éclaircissement et autres techniques naturelles mises au point par les coloristes offrent des tas d’options pour dire adieu à la monotonie du ton sur ton, sans pour autant se lancer dans des changements radicaux.

"La couleur affirme un caractère", abonde Jérémie Zayonnet. "Une brune qui passe au blond peut ne pas aimer l'image qu’elle renvoie, à moins d’avoir très envie de l'effet solaire de la blondeur. Les cuivrés puissants souligneront notre personnalité et nos traits. Ils signent une femme bien dans ses baskets, dans l'action, qui a du pep's".

Contre toute attente, varier les tons et les méthodes de coloration n’est pas synonyme d’instabilité. "On y décèle une aptitude à prendre du recul par rapport à notre vie ou par rapport à soi, mais aussi une grande flexibilité dans les relations avec autrui et dans la gestion des évènements".

Nouvelle coiffure, nouveau moi

Quid des grandes métamorphoses capillaires ? "Souvent, une nouvelle tête permet d’avoir un meilleur estime de soi, améliore l’image que vous avez de vous". C’est un bon moyen de surmonter un échec amoureux ou professionnel. Inversement, garder constamment la même coupe ou la même coiffure raconte une personnalité en phase avec son image.

En clair, on assume ce que l’on est physiquement, ce à quoi on ressemble. Ce comportement peut bien sûr indiquer aussi la crainte du changement ou une étroitesse d’esprit : on est borné dans ses idées et ses préjugés, on n’est incapable d’accepter tout changement dans les habitudes de vie et pensée.

"Attention à ne pas faire de cette tendance une lecture psychologisante caricaturale de la coiffure", prévient Jérémie Zayonnet. Garder nos cheveux longs peut être un indice d’introversion (on peut avoir des réticences à montrer son visage dans son intégralité) mais cela peut aussi très bien répondre à une stratégie morpho-visagiste plus pragmatique. Par exemple le désir de cacher une oreille décollée, un menton trop développé.

En marge des coiffures, il faut aussi lire la tenue vestimentaire, la posture, la manière de marcher, le regard. Et accessoirement, écouter les propos de la personne, en toute simplicité.