L'histoire du piercing au nombril

Pour beaucoup, le piercing est le gimmick fétiche des jeunes marginaux et des mortels en quête d'amélioration physique. Pourtant les premières apparitions de l'ornement corporel dans l'Antiquité prouvent qu'il n'est point motivé que par des raisons esthétiques.

Jadis les piercings faisaient l'objet de rites chez les amérindiens et dans d'autres cas ils étaient arborés par moult civilisations dont les Romains, les Grecs, et dans certaines tribus africaines. Et comme bien souvent dans l'histoire de la mode il était alors question de marquer son appartenance sociale ou religieuse.

Les boucles d'oreilles en or qui ont orné les lobes des Hommes dans l'Égypte Antique ont ainsi servi à traduire leur haut rang social. C'est également dans l'Égypte ancienne que serait apparu le piercing au nombril, alors symbole de richesse et de royauté. Rien de plus logique pour un piercing qui aurait été adopté par les pharaons.

"Souvent on l'associe au lien avec la mère parce qu'il marque une forme d'émancipation"

"On donne plusieurs sources à la naissance du piercing au nombril. En Égypte, il aurait souvent servi à cacher le nerf ombilical mais souvent on l'associe au lien avec la mère parce qu'il marque une forme d'émancipation" raconte Loïc Gignoud, perceur-tatoueur et fondateur des studios Abraxas.

Les historiens et les perceurs emploient encore le conditionnel quand ils reviennent sur les origines du piercing mais cela n'empêche que des millénaires plus tard, le bijou suspendu au dessus de l'ombilic compte parmi les piercings les plus populaires.

Une étude datant de 2018 réalisé par les Zooms de l'Observatoire de Cetelem et Harris Detective rapporte que 66% des Français ont cherché à améliorer leur physique avec des modifications temporaires ou permanentes (tatouages, piercings, chirurgies, etc...).

Passé la période des pharaons le "belly button ring" s'est donc affirmé comme un outil esthétique et bien qu'il soit aussi populaire aujourd'hui, il n'a acquis sa notoriété que récemment.

Il faut attendre la fin des seventies pour que les piercings en tous genres gagnent en popularité. On est alors à une époque qui a vu le lancement du premier salon de piercings fondé par Jim Ward aux États-Unis trois ans plus tôt. C'est aussi les débuts du mouvement Modern Primitiv à travers lequel l'artiste Fakir Mustafar se réapproprie les origines du piercings à des fins expérimentales.

C'est à cette même période que le piercing connaît un boom grâce à la communauté LGBT qui le transforme en élément érotico-esthétique dans ses soirées BDSM. Mais, pour sa part, le piercing au nombril peine à trouver sa place.

Les raisons ? La société patriarcale exige des femmes qu'elles portent des vêtements couvrants alors il est rare d'afficher son nombril aux yeux de tous. Il faut se rendre compte que la première fois qu'on a vu le nombril d'une femme à la télévision américaine, c'était en 1964 dans un épisode de la série à succès Dr. Kildare.

1993. Vingt longues années plus tard le piercing au nombril connaît son heure de gloire au travers du clip Cryin du groupe de rock Aerosmith. On y voit une jeune Alicia Silverstone allongée dans un studio de piercing, heureuse d'avoir un bijou en titane dans le creux de son abdomen.

Ce clip a donné des idées aux fans du groupe et à tous les adolescents tant les clips vidéos étaient l'une des premières sources d'influence à l'époque. Au grand damne de leurs parents qui ne voient pas cette mutilation d'un bon oeil.

D'autant que pour certains, le sacré entre en jeu. Aucun écrit religieux n'interdit explicitement les piercings mais un passage bien connu de l'Ancien Testament laisse place à l'interprétation : "Vous ne ferez point d'incisions dans votre chair pour un mort, et vous n'imprimerez point de figures sur vous"... offrant à quelques uns des justifications nécessaires pour l'interdire à leurs progénitures.

Démocratisé par la scène rock, le piercing au nombril est ensuite rendu d'autant plus populaire grâce aux superstars du R'n'B et de la pop. Dans les années 90-2000 ce sont elles qui dictent les tendances au grand public et à leurs fans.

En 1996, la "babygirl" Aaliyah s'affiche avec un diamant au creux du nombril dans la vidéo de One In A Million tandis que Beyoncé se perce l'ombilic à l'âge de 16 ans et l'affiche aux yeux du monde entier.

Qu'elles s'appellent Janet Jackson, Christina Milian, ou même Kiely Williams : chacune glisse un joyau sur leur ventre mais celle qui le propulse réellement ? C'est Britney Spears.

Parce qu'elle est suivie par un public très jeune qui veut copier ses moindres faits et gestes, le nombre de piercings grimpent en flèche. 

Arboré par les anonymes et les célébrités, le "navel piercing" prend d'assaut les podiums. En 1996 on croise un piercing sur le nombril d'une mannequin lors du défilé de la marque parisienne Dorothee Bis et en 2006, Adriana Lima déambule ventre à l'air et nombril scintillant lors de la Fashion Week de Sao Paulo.

Début des années 2000, la mode des piercings au nombril bat son plein et cela s'explique aussi par la mode vestimentaire de l'époque. L'heure est aux hauts cropped et aux bas taille basse, un combo qui permet de mettre son ventre en avant de la meilleure des manières.

Les piercings aux nombrils pendants sont le summum du sex-appeal et sont bientôt récupérés par les nouvelles icônes du style telles que Paris Hilton et Kim Kardashian.

Une tendance en chassant une autre, l'accessoire préférée des filles stylées dans les années 2000 s'essouffle la décennie suivante. Car qui dit nouvelle ère, dit nouveaux standards.

"Pendant de nombreuses années le piercing au nombril est tombé en désuétude à cause de la mode puisqu'on était sur des pantalons tailles hautes alors que dans les années 90-2000, les tailles basses étaient populaires." explique Loïc Gignoud, perceur-tatoueur depuis 30 ans.

20 ans en arrière, si les pantalons taille basse et le piercing au nombril faisaient simultanément bon ménage c'est aussi pour une raison technique. Le piercing au nombril nécessitant a minima 6 mois de cicatrisation durant lesquels il est déconseillé de porter des vêtements serrés, les tailles basses étaient donc indispensables.

Aujourd'hui les stylistes, designers et les amateurs de style remettent la mode des années 2000 au goût du jour. Résultat ? Se perforer le nombril redevient tendance.

@dionthetaurus Featuring my almost 15 year old belly ring #bellyrings #y2k #trendpredictions ? I Wish you Roses - Kali Uchis

Le perceur et fondateur de la grande chaîne Abraxas dit observer une résurgence des piercings ombilic depuis environ 2 ans.

Parmi ses clients ? Certains nostalgiques du piercing qu'ils avaient réalisé des années plus tôt et retiré depuis : "Il y a 15 jours de cela j’étais à la Réunion car nous avons un magasin Abraxas là-bas et pas mal de dames qui ont fait un piercing au nombril dans les années 90-2000 le remettent."

On se perce par esthétisme, par mimétisme, ou parce que cela aide à aimer son corps davantage. La renaissance de ce piercing est en grande partie due à la Gen Z, génération née entre la fin des années 90 et le début du nouveau millénaire, qui fouille dans les photos de l'époque pour construire son style.

Les icônes de leur jeune génération y sont aussi pour quelque chose. De Normani à Dua Lipa en passant par Miley Cyrus et Hailey Bieber, toutes font briller leur abdomen à l'aide d'un piercing diamanté.

Ces nouveaux protagonistes surfent sur la réputation sulfureuse du piercing au ventre et se le réapproprie à leur manière. Il n'est plus question de marquer sa classe sociale mais d'embrasser sa féminité et d'affirmer sa crédibilité mode.

Après avoir reconquis la majorité, le piercing au nombril s'octroie un statut d'accessoire de mode intemporel.