L’histoire de la maison française de couture et de prêt-à-porter est bien évidemment liée à celle de sa fondatrice : Marie-Louise Carven.
Né le 31 août 1909 à Châtellerault, sous le véritable nom de Carmen de Tommaso, ce petit bout de femme (1m55) s’est distingué pas une allure si moderne et si pimpante qu'elle a indéniablement contribué à développer le concept d’élégance à la française.
Ne manquant pas d’audace, Carmen de Tommaso s’est improvisé créatrice de mode dans le Paris d'après-guerre, après avoir entrepris des études d’architecture et de design d’intérieur à l’école des Beaux-Arts de Paris.
A l’avènement du « New Look » de Christian Dior, la jeune femme explique ce changement d’orientation professionnelle par le fait qu'elle ne trouve pas de vêtements proportionnés à sa petite taille : « Si j’avais été une grande et belle fille, je n’aurais jamais créé ma maison de couture » assurera t-elle.
De fait, en 1941, elle ouvre une première boutique dans le quartier de l’Opéra, qui ne tardera pas à fermer sous l’Occupation. Loin de baisser les bras, Carmen de Tommaso inaugure une nouvelle adresse en 1945, située cette fois-ci au Rond-Point des Champs-Élysées.
En femme dévouée, elle y continue d’employer son couturier-apiéceur Henry Bricianer, un juif roumain naturalisé français, qu’elle avait aidé à se cacher avec le soutien de sa mère, durant les lois d’exclusion de Vichy. Un acte pour lequel elle sera honorée du titre de Juste parmi les nations, en 2000.
CARVEN, UN LANCEMENT RÉUSSI
Baptisée Carven - contraction du début de son prénom et de la dernière syllabe du nom de famille de sa tante, Josy Boyriven - sa maison de couture connaît un franc succès, et ce, dès la présentation de sa première collection grâce à la robe « Ma Griffe ».
La légende raconte que la plus petite des grands couturiers aurait trouvé le tissu de cette création dans un grenier : une cotonnade rayée vert et blanc dans laquelle elle s’empresse d’entailler une robe courte et sans manches.
Une révolution de style dont la posture enjouée et printanière répond au besoin d’optimisme et de légèreté de la population au lendemain de la Seconde Guerre. « Ma Griffe » s’érige alors en symbole vestimentaire de la Libération tandis que la couleur vert devient l’apanage quasi-officiel de la maison.
De par sa maîtrise émérite des proportions, celle qui rédige désormais ses œuvres stylistiques sous le pseudonyme de Marie-Louise Carven, se spécialise dans les mini-robes pimpantes. Un stratagème vestimentaire des plus efficaces pour mettre en valeur les petites silhouettes.
Durant plusieurs décennies, Carven offre ainsi une alternative des plus alléchantes au guindé, strict et engoncé, des créations de l’époque en incorporant le vichy rose et blanc, les motifs orientaux, les décolletés en chute libre, les épaules dégagées ou encore les dos nus dans le vestiaire de la femme.
CARVEN, DE L’ASSOUPISSEMENT AU RÉVEIL TRIOMPHAL
À partir des années 70, la griffe perd peu à peu de sa popularité. Malgré des lignes de prêt-à-porter, de maille et d’uniformes pour les compagnies aériennes (Carven Uniformes), la maison de couture ne parvient toujours pas à reprendre son souffle.
En 1993, Madame Carven, alors âgée de 84 ans, jette définitivement l’éponge et lègue la direction artistique au créateur Maguy Muzy. S’en suivent de longues années d’inertie où de nombreux designers échoueront dans leur tentative de réanimation.
Il faudra attendre l’arrivée de Guillaume Henry en 2009 pour que la maison Carven renaisse de ses cendres. Sous sa houlette, la marque qui n’avait plus aucun point de vente, a pu se redévelopper en France, mais aussi à travers le monde (États-Unis, Grande-Bretagne, Japon, Italie etc.).
En 2015, le duo Alexis Martial et Adrien Caillaudaud reprennent le flambeau avant d’être avant d'être remplacés par Serge Ruffieux en février 2017. Cet ancien élève de la Haute École d’art et de design de Genève a notamment permis le bon déroulement de la passation de pouvoir chez Dior, aux côtés de Lucie Meier.
À présent, il partage l’héritage de la petite robe espiègle en perpétuant la tradition du vêtement confortable, mais à l’apparence résolument pointue.