"Quelque part entre la nostalgie de l’insouciance des 80's et l'utopie d’un futur où on aura maté le réchauffement climatique, Patine invente au fil du temps sa recette de mode nouvelle formule." Ainsi s'auto-décrit le label prêt-à-porter français né en 2017 dont les aficionados de mode apprécient l'esthétique feel good.

Réputée aussi pour son éco-conscience, la marque de Charlotte Dereux fait son bonhomme de chemin au fil de ses multiples engagements. Entretien avec sa fondatrice.

Marie Claire : Pourquoi avoir choisi de ne pas fonctionner par collection ?
Charlotte Dereux : Je ne réfléchis pas à une silhouette de la tête aux pieds, je préfère prendre mon temps pour construire le vestiaire idéal. Nous proposons un ou deux grands lancements par an, avec un système de précommandes. Je ne cherche pas à sortir chaque saison un nouveau T-shirt avec de légères modifications, mais un modèle dont le poids, la composition, la coupe et la durabilité ont été soigneusement étudiés. D'où le nom de "Patine" pour parler de ces vêtements qui s'embellissent avec le temps.

De la même façon que l'alimentation bio ne se résume plus à un triste paquet de biscuits secs, la mode engagée peut aujourd'hui être désirable.

Comment réussir à créer les meilleurs basiques ?
Utiliser uniquement des matières responsables demande un développement plus long. Je questionne régulièrement notre communauté sur Instagram, mais également mon groupe WhatsApp comptant plus de 500 femmes aux morphologies et profils différents. Dans cette même idée, nous avons ouvert l'actionnariat aux clientes il y a trois ans. Nous avons cherché à inventer un nouveau modèle de production et de distribution, je voulais qu'il en soit de même pour la levée de fonds.

Vous avez voulu que Patine soit certifiée B Corp*...
Cela me semblait naturel. Je n'ai pas eu à constituer une équipe dédiée à la RSE [responsabilité sociétale des entreprises, ndlr], c'est ancré dans l'ADN de Patine depuis le lancement. Cet engagement restreint certes le terrain de jeu, mais pousse à plus de créativité pour trouver des solutions, choisir le bon tissu, réussir à teindre une fibre recyclée...

Nous venons d'entamer une collaboration d'un an avec Nona Source, qui centralise les stocks dormants des maisons du groupe LVMH. C'est comme entrer dans l'usine de Charlie et la chocolaterie ! J'ai eu accès à des matières qui ne rentrent pas dans mon strict cahier des charges environnemental, mais dont l'impact carbone est compensé par le fait qu'elles soient upcyclées.

La durabilité a-t-elle toujours fait partie de votre propos de créatrice ?
Adolescente dans les années 90, j'ai grandi avec l'esthétique minimaliste et les coupes nettes à la Prada et Calvin Klein, mais j'ai également assisté aux prémisses de la surconsommation avec l'arrivée de la fast fashion. C'est aussi pour cette raison que j'ai voulu Patine durable.

Pour servir notre message de façon ludique, j'ai imaginé Patineland, une utopie de parc d'attractions avec une galerie de personnages, dont Bunny P., une lapine devenue millionnaire en vendant des compléments alimentaires en bêta-carotène, ou Pat The Cool Dog, ancien conseiller culinaire sur les longs-métrages devenu végétarien. Ils véhiculent notre message sans faire culpabiliser, avec le prisme de la pop culture. C'est super de séduire les convaincus, mais la priorité, c'est de s'adresser à ceux qui n'ont pas encore changé de mode de consommation.

(*) Ce label s'applique aux entreprises qui agissent dans l'intérêt de la société et de l'environnement.