Il y a trois ans, le collectionneur Olivier Châtenet vendait près de quatre mille pièces griffées Yves Saint Laurent à la maison qui porte son nom. Essentiellement des vêtements Rive Gauche datant de 1966 à 1980 parmi lesquels se trouvaient des sahariennes imaginées par le couturier en 1969.

Sa mythologie, elle, est née un an plus tôt grâce à une photo de Veruschka. "La pièce avait été réalisée pour un shooting de Vogue Paris en Afrique et, comme tout le monde avait adoré l'image, elle a été produite un an plus tard", raconte Olivier Châtenet.

Peut-être ces archives ont-elles inspiré Anthony Vaccarello pour sa collection printemps-été 2024... Car déclinée en vestes, en robes, en combinaisons d'aviateur, parée des couleurs de terre et d'épices chères au fondateur, la saharienne était la vraie star du défilé Saint Laurent.

Mais aussi l'obsession d'une saison qui glorifie, dans le droit fil du pantalon cargo, succès de l'été 2023, la simplicité d'un vestiaire taillé pour les aventurières d'hier et d'aujourd'hui.

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Les origines de la veste saharienne

Beverley Goodway/Mirrorpix/Getty Images

"La saharienne est un rêve, elle nous transporte dans un monde de glamour, d'aventure et de romantisme", témoigne Ian Griffiths, directeur artistique de Max Mara.

Pourtant cette veste légère à quatre poches a d'abord fait ses classes dans l'armée : née à la fin du xixe siècle, elle habillait les soldats britanniques en Inde avant d'être adoptée par l'Afrikakorps (divisions de blindés allemands en Afrique durant la Seconde Guerre mondiale).

"La saharienne est, avec le trench, l'un des premiers vêtements masculins issus du vestiaire militaire que la mode ait offert aux femmes, analyse Dinah Sultan, styliste chez Peclers Paris. Mais sans l'empreinte d'Yves Saint Laurent, elle serait demeurée dans les surplus et n'aurait jamais obtenu son statut d'icône d'entrée de saison.

Sans doute l'imaginaire qu'il lui a insuffé y est pour beaucoup : celui d'une femme aventurière libérée des carcans sociaux, capable de s'aventurer sur le terrain des hommes."

Une certaine idée de l'empowerment au féminin avant l'heure en somme, qui colle comme un gant à une nouvelle lecture de l'histoire moins androcentrée.

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Un vêtement non-genré inspirant le thème militaire et la fonctionnalité

Imaxtree

"Nous sommes à un moment où on relit le passé par le biais des femmes, où on rend compte de leurs actions, ce qui ouvre le champ des identifications pour les jeunes générations", poursuit Dinah Sultan.

Ainsi de la photographe de guerre-mannequin-muse surréaliste Lee Miller, sujet d'un biopic bientôt en salle*, ou encore de la Women's Land Army, cette armée de femmes pour travailler la terre, née en Angleterre pendant le premier conflit mondial qui a inspiré le défilé Max Mara.

Son directeur artistique, qui rêvait d'un thème militaire, a préféré dans le contexte actuel l'adoucir d'accents pacifistes. "J'ai toujours été fasciné par ces femmes qui unissaient leurs forces pour nourrir plutôt que détruire et dont me parlaient ma mère et ma grand-mère, poursuit Ian Griffiths. Un verset biblique nous dit de transformer les épées en socs de charrue et les lances en serpes. J'aime l'idée de réutiliser des matériaux existants tout en révolutionnant leur utilisation." 

Pour souligner ce message anti-guerre, le créateur britannique a également teint ses sahariennes et ses manteaux militaires aux couleurs des pois de senteur qui fleurissent dans les jardins anglais.

La saharienne fait partie des basiques capables d'apporter une touche de style et d'obtenir une silhouette à la fois structurée et relax

À l'heure d'un retour aux classiques intemporels et à la fonctionnalité d'un vestiaire pensé pour le quotidien, la veste culte à quatre poches fait donc figure de pièce ultra-désirable, capable de s'adapter aux envies de l'époque tout en gardant son élégance. Signe des temps, Maje lui a dédié sa campagne printemps-été 2024 axée autour de la notion d'essentiels, où elle s'affiche façon uniforme aux côtés d'un pantalon cargo beige.

Car à l'instar du workwear, tendance lourde du moment, la saharienne puise sa longévité dans sa fonctionnalité dépourvue de fioriture. "Ce sont des pièces très bien coupées qui ont été développées pour répondre à un besoin de confort, d'utilité, de durabilité et de sobriété, et qui ne se démodent pas", analyse Dinah Sultan.

À des envies de nomadisme aussi. À l'heure où les vêtements construisent des ponts entre l'urbain et le rural, où les sacs se font de plus en plus mini, les nombreuses poches de la saharienne jouent également les contenants pratiques.

"La saharienne fait partie des basiques de la garde-robe capables d'apporter à chaque fois une touche de style, confirme Victoria Feldman, cofondatrice avec Tomas Berzins de Victoria/Tomas. Et nous aimons la travailler de multiples façons : réversible avec un gilet intégré, avec des appliqués par exemple. Ce qui est intéressant également, est qu'elle permet d'obtenir une silhouette à la fois structurée et relax. C'est aussi une pièce non genrée et on adore jouer cette carte."

Il faut d'ailleurs savoir qu'Yves Saint Laurent a lancé le même modèle de saharienne à la fois chez la femme et chez l'homme. "Ce qui était assez révolutionnaire à l'époque, explique Olivier Châtenet. Cela correspondait à son rêve de créer un vêtement comme le jean, à la fois androgyne, universel et capable de transcender les saisons."

Un rêve devenu réalité qui oscille aujourd'hui entre classicisme et expérimentations.

Ainsi, la saharienne s'offre de multiples mutations : on la retrouve hybridée à des combinaisons pantalons ou shorts, à des robes strictes marquées à la taille par de larges ceintures ; elle se transforme aussi en parka sportive, en veste cintrée ou oversized façon "j'ai piqué le modèle de mon compagnon" (Dries Van Noten), joue les blousons, les surchemises...

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La saharienne à la conquête des podiums

Courtesy of Saint Laurent/Imaxtree

Ses matières adoptent des toiles confortables en coton, voire des nylons fluides presque parachute ou le cuir comme chez Hermès. Quant à sa palette, elle oscille entre les tons de terre ou encore les teintes pastel, voire girly, à l'image des rose pétale ou Barbie très années 2000.

Parfois même, dans cette entreprise de déconstruction, la saharienne se teinte d'accents couture et sexy.

Il faut voir les vestes kaki de Rokh creusées de larges ouvertures plongeant sur un soutien-gorge assorti ou les versions parkas transparentes couleur nude de Simone Rocha.

Autre option, le modèle en satin vieux rose du défilé Tom Ford, porté à même la peau et sur des jambes nues. Un mix affolant entre la veste militaire et la tendance no pants" arboré par Virginie Efira au dîner des nommé·es aux Césars 2024.

Pas de doutes, pour le jour, pour le soir, la saharienne n'a pas fini d'écrire sa légende.

(*) Lee d'Ellen Kuras, avec Kate Winslet, Alexander Skarsgård, Andrea Riseborough... En salle prochainement.

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