Back to 1999. Cette année-là, dans la mode, Tom Ford continue d'émoustiller (et de choquer) avec les designs sulfureux qu'il présente pour Gucci, la nouvelle pépite du mannequinat qui domine la Fashion Week s'appelle Gisele Bündchen et celle qui deviendra la mythique "Jungle Dress" de Jennifer Lopez est présentée au cours du défilé Versace printemps-été 2000.
Au début du mois d'octobre, le tout-Paris, la presse et les stars internationales se pressent aux portes du Zénith de Paris où Kenzo Takada leur a donné rendez-vous.
À cette époque, le styliste japonais est reconnu comme un génie de la scène mode, qu'il révolutionne depuis les seventies à la faveur de ses flamboyantes collections au carrefour de l'Orient et de l'Occident. Mais voilà : après trente ans de création dont sept sous l'ombrelle du groupe LVMH, le maestro est prêt à prendre sa retraite. Son défilé d'adieu, il l'articule comme un show haut en couleur au cours duquel sa joie contagieuse et son intérêt pour la convergence culturelle sont résumés.
Une dernière danse au Zénith
Thierry Mugler n'est donc pas le seul couturier à avoir défilé au Zénith de Paris. Quinze ans après son mythique passage dans la salle de concert, voilà le lieu plongé dans le noir, empli de la chaleur des 4 000 invité-e-s présent-e-s sur place, parmi lesquel-le-s l'actrice britannique Charlotte Rampling. Un écran géant s'illumine avec les mots "Kenzo 30 ans" tandis que les applaudissements de la foule signalent le début du spectacle.
Jeux de lumières, mannequins dansant-e-s et animations sonores. Pendant près de 20 minutes se succèdent différents tableaux qui célèbrent la diversité. Dès les premiers instants, le patrimoine asiatique est particulièrement mis en avant tandis que les tops habillées de jupes longues, de pardessus soyeux et de Qipao de toutes les couleurs s'élancent sur le podium.
Le public devine ensuite un clin d'œil à l'est du continent, lorsque arrivent de grands manteaux d'hiver sur un décor enneigé projeté en toile de fond. Puis, des modèles coiffés de kufis et des femmes en jupes mi-longues accessoirisées de gros bijoux en or mettent en évidence la richesse de la mode d'Afrique subsaharienne tandis qu'à leur tour, Moyen-Orient et Amérique du Sud, illuminée par un passage de la mannequin Cristina Cordula, sont mis à l'honneur.
Natif d'Himeji au Japon, Kenzo Takada a rejoint Paris, haut lieu de la couture qui l'a fait rêver tout du long de ses études de mode, après un long périple en bateau. C'est dans la capitale française que le styliste y fonde la marque Kenzo en 1970. Alors, pour preuve de l'amour qu'il lui porte, il fait de sa ville adoptive le point culminant de son défilé de départ.
Sur les faux pavés projetés sur la scène du Zénith, des mannequins paré-e-s de longs manteaux en tartan et de bérets se baladent, sourire aux lèvres, près d'un accordéoniste. Et parce que Paris ne serait rien sans ses Parisien-ne-s, la mannequin Ines de la Fressange figure au casting, suivie du chanteur Julien Clerc,habillé d'une veste en cuir et d'une chemise blanche déboutonnée.
Son confrère Jean-Michel Jarre se prête également au jeu tandis que l'ex-mannequin devenu photographe de mode Ellen von Unwerth leur emboîte le pas.
Au terme de ce spectacle XXL, le styliste japonais âgé alors de 60 ans est acclamé par ses invité-e-s qui l'embrassent à la chaîne. Un moment émouvant, décrit par la mannequin Katoucha Niane en coulisses : "On était en train de danser, mais il y avait aussi beaucoup de larmes de savoir que Kenzo a décidé de partir."
L'épilogue ? Un message qui apparaît subitement sur les écrans géants du Zénith. "Connecting People". Ou comment résumer en deux mots les valeurs de ce grand monsieur de la mode, disparu le 4 octobre 2020.