Les experts en shopping en ligne et autres acheteurs compulsifs des Internets vous le diront mieux que moi : dans la grande nomenclature des sites e-commerce de la fast-fashion, une nouvelle catégorie s’est depuis quelques été immiscée dans le plus grande des calmes modeux.

Cette catégorie, c’est celle du look de festival. Instagramisation de ces grands messes de la musique oblige, les tenues que l’on porte pour vagabonder de scènes en scènes au beau milieu d’un open air entre bitume et gazon plus ou moins vert sont devenues aussi importantes que celles que l’on porte pour les fêtes de fin d’année ou un premier entretien d’embauche.

Les collections Festival des enseignes de fast fashion ont vu leur vente augmenter de 173% en 2022 par rapport à 2019

Exit la dégaine tout confort mixant jean, basket et une petite laine pour la soirée, l’heure est à celui et/ou celle qui s’affichera le plus stylé tout en respectant l’air du temps qui régie les tendances du moment.

Et pour les connaître, un simple petit tour sur les sites de fast-fashion suffit.

Le look festival 2023, de la culture rave à la fast-fashion

Pantalon parachute taille basse, t-shirt résille outrancier, lunettes de soleil futuriste, palette chromatique fluo irisé et matières synthétiques à gogo : un simple aperçu à la catégorie look festival d’H&M et consorts nous plonge dans un univers nineties un brin suranné qui n’est pas sans rappeler le dress code en vigueur des rave party et techno parade qui ont agité la dernière décennie du XXe siècle.

Et pour cause, malgré son origine vintage, ce dress code reste plus pertinent que jamais sous l’influence des festivals techno qui n’ont jamais été aussi populaire et démocratisée que cette année.

Pour en avoir le cœur net, direction Turin où la marque streetwear Kappa organise chaque année son FUTUR Festival, l’un des plus grands rassemblements européens dédiés à la musique techno, dans lequel la dégaine stylistique à la même importance que les beats.

Au programme ? Des looks inspirées du vestiaire underground des années 90, à grands renforts d’imprimés tie-dye, de cropped top flashy, de shorts cycliste sporty ou encore d'accessoires néo-space age, avec le sac-banane et l’éventail pour ultimes accessoires.

Certes, le look Y2K s’autorise quelques incursions fétichistes, incorporant des résilles, des lanières et autres éléments sexuellement explicites au look original des nineties.

Des looks aux codes stylistiques singuliers donc, que le photographe de mode Oliviero Toscani a capturé à travers une série de portraits de raveurs made in Torino faisant office de campagne du festival.

Quant au merchandising proposé sur les stands dédiés, il ressemble à s’y méprendre à n’importe quelle autre collection de marque streetwear qui auraient ont allègrement puisé dans l’esthétique rave, entre logomania assumé, teintes fluo genderless et éventail à gogo.

Bref un lieu de bouillonnement stylistique, qui a de toute évidence marqué son empreinte sur la façon dont s’habillent les jeunes générations.

Woodstock, Glastonbury, Coachella... la naissance du look festival

Mais la scène électronique n’est clairement pas la première à opérer une OPA sur nos armoires.

Dans les années 2010, c’était le fameux look boho institué par les festivals Coachella et Burning Man qui revisitait les codes du vestiaire hippies des sixties impulsé en 1969 par Woodstock, érigé depuis en pierre angulaire de l’histoire des festivals de musique et des looks attenants.

À l’époque des artistes comme Jimi Hendrix et Janis Joplin jouent devant une foule vêtue de pièces en denim, de tops aux imprimés psychédéliques et d’éléments vestimentaires aux influences natives américaines assumées.

Symbole de liberté et d'émancipation, les looks de Woodstock se composent de pièces vaporeuses, flottantes, évasées, se muant en uniforme d’une jeunesse défiante des autorités, quitte à se banaliser un demi-siècle plus tard sous l’impulsion des défilés les plus cotés.

Avec les années 70, c’est le festival de Glastonbury qui se fait l'écho du look punk, vulgarisant une dégaine faite de cuir, de clous et d’épingles à nourrice, jusqu’alors réservés aux rebelles des mauvais quartiers et des groupes de rocks comme Black Sabbath et AC/DC.

Puis viendra les années 80 et son lot de teintes fluos et de paillettes, de matières synthétiques et de coupes suggestives avant que les années 90 et son mythique Lollapalooza insuffle un look festival fait de t-shirts à messages, de bob, de jeans boyfriends et de baskets Converse, qui deviendra le must des lycéens et vingtenaires souhaitant se différencier non sans aplomb.

C’est finalement avec Coachella et l’avènement des festivals comme des places to-be où se bousculent amateurs de musiques, célébrités et icônes de mode que le look de festival se font source d’inspiration à part entière pour un commun des mortels qui ne s’identifient que peu à la mode venue des podiums et des groupes de luxe.

Le look festival, un business comme un autre ?

Avec plus de 250 000 participants chaque année et une visibilité boosté par des réseaux sociaux taillés sur mesure, Coachella devient rapidement l’incubateur des tendance estivales de l’année, avec pour ambassadrices des célébrités adulées pour leurs looks de festivals comme Vanessa Hudgens, Miranda Kerr, Alexa Chung ou plus récemment Gigi Hadid et Kendall Jenner.

De quoi attirer les convoitises de marques de luxe et enseignes de fast-fashion en mal de stratégie marketing, qui jouent des coudes pour habiller ces ambassadrices ou pour sponsoriser des espaces entiers du festival devenue la Mecque du style pour tout amateur de mode. "C’est une énorme opportunité commerciale pour les marques et les influenceurs !" assure Ebony-Renee Baker, journaliste mode sur le site Refinery29, comparant Coachella au Superbowl de la mode.

C’est comme la tenue du Nouvel An mais en été ! - The Guardian

Selon le site Business of Fashion, les pièces issues des collections Festival des enseignes de fast fashion ont vu leur vente augmenter de 173% en 2022 par rapport à 2019.

Et pour cause, à l’heure où les participants de festival passent parfois plus de temps à se photographier pour alimenter leurs réseaux sociaux qu’à danser devant leurs artistes préférés, le look porté prend une dimension extrême, incitant plus que jamais à shopper de nouvelles pièces impactantes, différenciantes en lieu et place de celles attendant sagement dans leur vestiaire.

Une source de business à part entière donc, qui comme le décrit Philippa Grogan dans The Guardian, vient concurrencer d’autres temps forts du versitaire moderne comme la Saint Valentin ou les fêtes de fin d’années.

"C’est comme la tenue du Nouvel An mais en été !" résume la consultante mode dans le journal britannique qui, au-delà de la logique mercantile, pointe les effets néfastes d’une telle tendance consumériste en ces temps de crise climatique.

Et pour cause, nés des contre-cultures musicales dans un esprit de contestation de l’ordre établi, les looks arborés en festival au fur et à mesure des sept dernières décennies tendent moins aujourd’hui à incarner que nourrir une logique mercantile et capitalistique.

Les influences hippie, punk, techno ou même disco se mélangent au détour de silhouettes minutieusement calculées qui - si elles cumulent les likes sur Instagram - se retrouvent vidées de leur substance idéologique au profit d’une culture des apparences qui se soucient peu de leur portée politique.

Certaines enseignes comme Bershka ont carrément poussé la stratégie à son climax via des partenariats lucratifs en s’associant notamment avec Dice, la billetterie de prédilection des amateurs de soirées techno.

Ou quand la quête de liberté de la jeunesse se mue en air du temps que certains s’empressent de rentabiliser.