18 mai 2021. En annonçant sa maternité sur Instagram, quatre jours avant ses 51 ans, avec une photo montrant les petons de son premier enfant, une petite fille, Naomi Campbell a provoqué un déluge d'éloges, une avalanche de points d'exclamations, un tsunami de "Oh My God !"
Zoe Saldana : "Oh My God, félicitations Madame ! Quelle bénédiction !!" Le créateur Marc Jacobs : "Oh my God!!!!! Comme elle a de la chance et comme tu as de la chance. Quelle mère merveilleuse tu vas être." Sa copine mannequin Linda Evangelista : "Joyeux anniversaire, mama ! Je taime." Le chanteur Lenny Kravitz : "Amen!" Traduisez : elle est née la divine enfant de la Divine.
Alors que le top de légende a accueilli son premier enfant, décryptage du destin extraordinaire de Naomi Campbell.
Naomi Campbell, supermaman à 51 ans
"Au moment de devenir maman", Campbell, dit-elle, écoutait une chanson de Bob Marley. Était-ce Positive vibration ou I shot the sheriff ? Tout inattendue qu'elle est, cette double naissance, naissance d'une fille et d'une mère, est l'aboutissement d'un long chemin intérieur.
Naomi Campbell est née en 1970, à Londres, d'un père qu'elle n'a jamais connu (elle tient son patronyme de son beau-père) et d'une danseuse jamaïcaine qui confia l'éducation de sa fille à sa grand-mère et à ses tantes. Avant de devenir "mama", Naomi fut d'abord "tata"("auntie", selon Kaia Gerber, la fille de Cindy Crawford). Naomi Campbell l'a souvent dit : jusqu'ici, ses "bébés", c'était la nouvelle génération de mannequins, comme l'Australienne Adut Akech et l'Américaine Anok Yai, toutes deux d'origine soudanaise.
En 2017, dans le magazine ES, la supermodel, en femme des Lumières, associait explicitement son désir d'enfant au progrès scientifique : "Vu les avancées de la science, je pense que je peux maintenant avoir des enfants quand je veux." Lui demandant si elle comptait adopter plutôt que procréer, elle avait répondu : "Peut-être". Aujourd'hui, des rumeurs prétendent qu'elle aurait fait appel à une mère porteuse.
L'heureux évènement a été précédé de fausses alertes. Le 26 mai 2019, jour de la fête des Mères, Campbell postait sur Instagram une photo où elle berçait un nourrisson, mimant la maternité. Pour répondre à ses fans qui s'imaginaient qu'elle avait adopté, elle publiait alors un démenti.
C'est qu'au-delà de son glamoureux destin, de ses glamoureux.ses ami.e.s (Gianni Versace, Donatella Versace, les photographes Peter Lindbergh ou Mario Testino), de ses glamoureux amants (Robert De Niro, Mike Tyson, Leonardo DiCaprio, Lenny Kravitz, Sean Penn, le rappeur anglais Skepta, etc.), la Britannique a toujours pensé "famille". Sororale avec Christy Turlington et Linda Evangelista ("Elles sont comme mes sœurs"). Filiale avec le couturier Azzedine Alaïa, qu'elle appelait "papa". Petite-fille imaginaire de son ami Nelson Mandela, son "grand-père honoraire", proclamait-elle.
"Naomi Campbell invente Naomi Campbell"
"Quand je suis avec des enfants, je retrouve la petite fille que j'ai en moi et que je ne voulais pas perdre", explique la quinquagénaire. C'est cette petite fille libre qui l'accompagne dans ses choix au-delà de toute entrave depuis le début de sa top destinée.
Dès 1978, elle apparaît, à 7 ans, dans Is this love, la vidéo de Bob Marley tournée à Londres, au Keskidee Centre, premier centre d'arts de l'Angleterre dédié à la communauté noire. C'est à 15 ans et des poussières que Naomi Campbell invente Naomi Campbell. On est en avril 1986. Élève à l'Italia Conti Academy of Theatre Arts, la Londonienne veut devenir danseuse, comme maman. Ce jour-là, elle fait du lèche-vitrine à Covent Garden, avec deux copines aux longs cheveux blonds, dont l'une est déjà mannequin occasionnelle.
Toutes trois portent l'uniforme de l'école : un kilt pied-de-poule bleu pâle, un sweater col V d'un bleu sombre, une chemise bleue avec un blazer et une cravate Italia Conti. "On était censées porter aussi un canotier, mais on s'en passait", se souvient Campbell la rebelle. Soudain l'aborde une passante flanquée de sa fille. Avec un accent américain du Sud, l'inconnue lui demande si elle veut devenir top model, si elle peut la prendre en photo. C'est Beth Boldt, la directrice de Synchro Model Management.
Alors commence l'irrésistible ascension d'une pionnière et novatrice qui ne fait rien comme les autres. 1987, cinq ans avant que la première femme noire (Mae C. Jemison) voyage dans l'espace, Naomi Campbell est la première mannequin noire à faire la couverture du Vogue anglais. S'ensuit la couverture du Vogue français. Puis celle du Vogue américain, avec l'aide de la nouvelle rédactrice en chef, une certaine Anna Wintour. Campbell : "Je sais qu'elle a essuyé beaucoup de critiques pour cela."
Être le premier top model noir
Parce qu'elle n'a pas la peau blanche comme sa pote Kate Moss, Naomi devra attendre 1999 pour décrocher son premier contrat avec une marque de cosmétiques, et essuyer dans les médias de nauséabondes formules visant à l'animaliser – "tigresse", "panthère", "féline".
Mais elle sait compter sur quelques solides appuis. Yves Saint Laurent, ses "sœurs" Christy Turlington et Linda Evangelista, avec lesquelles elle forme ce qu'on a appelé la "Trinité", qui lancent cet ultimatum à Dolce & Gabanna : "Si vous ne prenez pas Naomi, vous ne pouvez pas nous avoir." De là, la saga des supermodels, ces héroïnes médiatiques des années 90 dont les portraits ornaient les classeurs des collégiennes.
Par la grâce de Campbell, la mode est à la mode. En 1995, Disney s'inspire même de sa plastique pour dessiner Pocahontas. La Britannique semble avoir tout réussi dans sa vie. Bon, OK, sauf ses cinq années d'addiction à la cocaïne. Son mauvais disque R'n'B, Baby woman. Son piètre roman Swan, qui, d'ailleurs, a été écrit par l'auteure Caroline Upcher.
Mais, chose étrange, même quand elle échoue, elle semble réussir. En 1993, chute fameuse autant que burlesque : elle glisse et tombe sur le podium avec ses compensées Vivienne Westwood. La honte ? Même pas : ses saintes chaussures sont exposées comme des reliques en 2015, à Londres, dans l'exposition "Shoes : Pleasure and Pain" au Victoria and Albert Museum.
Une âme libre (et rebelle)
Celle qui illuminait Freedom, la vidéo de George Michael réalisée par David Fincher, sait ce que "freedom" signifie. Pour George Michael, ce mot était une façon de revendiquer ouvertement son homosexualité. Pour Campbell, le message est autre. "Laissez-moi vivre la vie que j'entends mener", semble-t-elle nous dire.
Trop femme ? Trop noire ? Trop Jamaïcaine ? Trop quinquagénaire ? Je vous emmerde. Laissez-moi briller, triompher, enfanter, comme je veux, quand je veux.
Autre exemple de cette classieuse indépendance faite de rébellion punk et de dandysme à la Oscar Wilde : en 2007, à New York, un tribunal la condamne à cinq jours de travaux d'intérêt général. Et voilà qu'elle débarque en robe métallique Dolce & Gabbana pour faire le ménage dans un bureau administratif…
Car si Naomi est libre, c'est aussi parfois pour le pire. N'a-t-elle pas écopé de ces cinq jours de TIG pour avoir giflé et frappé son assistante Ana Scolavino avec son téléphone ? Et tout ça parce que la mannequin ne retrouvait pas le jean qu'elle voulait porter pour l'émission d'Oprah Winfrey. Au procès, l'avocat de la plaignante produit un tablier et un sweater couverts de sang. L'accusée plaide coupable. Ce qui ne l'empêche pas de porter un T-shirt Chip & Pepper imprimé de ces mots provocants : "Naomi m'a frappée et j'ai aimé ça."
Disons-le : Naomi Campbell a une conscience aiguë de sa valeur philanthropique, économique et mythologique : soutien de la fondation Nelson Mandela pour les enfants, créatrice de plus de 25 parfums, égérie (à 48 ans) de la ligne de maquillage Orgasm, elle est même ambassadrice du ministère kenyan du tourisme et de la vie sauvage !
On se souvient de la façon dont elle remit à sa place sa cadette, la mannequin australienne Nicole Trunfio, dans l'émission The Face Australia : "Ne te compare jamais à moi. Tu n'es pas à mon niveau et tu ne seras jamais à mon niveau." Comme dit Lenny Kravitz : amen !