L'amitié entre la mode et le milieu LGBT peut sembler naturelle, et l'histoire récente l’a bien prouvé – on peut notamment penser au lancement du magazine Têtu en 1995 par Pierre Bergé, actionnaire et cofondateur de la marque Yves Saint Laurent, une année après sa création de Sidaction.

Néanmoins, cette proximité entretient des liens des plus complexes, et parfois moins souriants que l’on n’aurait envie de le croire. Effectivement, les valeurs communes entre les deux milieux – portés tous deux sur la question de binarité, de retournement des codes et de visibilité – n'a pas échappé, depuis le tournant du millénaire, à l'oeil marketing affuté des griffes.

La mode, entre pink-washing et inclusion

À chaque mois des Fiertés, les marques allant de la mode à l'électroménager aux fast foods, ne manquent de se gargariser de drapeaux arc-en-ciel, de projets et collaborations avec des mannequins queer... le temps de quatre semaines seulement, avant de revenir à un status quo inchangé.

Ce que l'on nomme communément le "pink washing" dénonce la capitalisation d’une visibilité queer bien loin d’une véritable démarche d’inclusivité. Y est majoritairement visée non pas la communauté entière, mais son infime élite – blanche, résidant en métropole, bourgeoise et fortunée – surnommée en parfait cynisme le secteur "DINK", ou Double Income No Kid.

Celui-ci représenterait l’économie du Pink Dollar, ou du Pink Pound en Angleterre - soit 6 milliards de livres britanniques à l’année. Émergent alors des canons et de représentations trop souvent lissés, assujetties à des idéaux normatifs et dominants. Néanmoins, le vent serait-il en train de tourner ?

Hors de la période de la Pride, et pour toutes audiences confondues, un nombre grandissant d’égéries auprès des plus grandes maisons de luxe et de mode, qui viennent représenter de multiples communautés et ouvrir à une conscience intersectionnelle.

Dans le but de visibiliser, valoriser autant que de banaliser, voici une nouvelle génération d’ambassadeu.rices au combat affirmé, qui changent la donne et élargissent une prise de conscience, tout en élargissant les normes et idéaux.

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Hunter Schafer pour Prada

L’actrice et mannequin Hunter Schafer est également une militante active contre la transphobie. Dès l’adolescence, elle utilise ses plateformes pour protester contre la loi de la "bathroom bill" dont elle dénonce une "transphobie ancrée" qui résonne "auprès d’un public toujours accroché à une idée de binarité de genre, et aux représentations néfastes des personnes qui résident en extériorité de celle-ci."

Après avoir défilé pour Dior, Miu Miu, Helmut Lang, elle est aujourd’hui égérie Prada pour la seconde fois ainsi que cover star du magazine i-D – où elle n’hésite pas à prendre la parole pour lutter et demander l’acceptation d’une définition queer des genres.

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Habibitch pour adidas

Connue sous le nom de Habibitch, cette militante algérienne basée à Paris est dans une démarche queer, décoloniale et intersectionnelle. Elle appartient également à la scène du voguing parisien, est proche de Kiddy Smile, et imagine également la conférence dansée "Décoloniser le dancefloor" où elle raconte l’histoire d’appropriation culturelle dans les danses.

Par la mode, et ici en tant qu’ambassadrice adidas, elle use de communication verbale et visuelle pour, comme elle le confie au Vogue, adresser et dénoncer une "culture hétéronormée et raciste" prégnante en France.

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Barbara Butch pour Jean-Paul Gaultier

Cette égérie Jean Paul Gaultier est un des visages du parfum La Belle. Pourtant, c’est un autre cliché qui fait tout d’abord connaître Barbara Butch. En 2020, la DJ militante lesbienne, juive et auto-décrite comme "fat activist" faisait la une d’un numéro de Télérama intitulé "Pourquoi rejette-t-on les gros", où elle apparaissait nue, avant de voir le cliché banni d'Instagram.

Elle a ainsi découvert un algorithme grossophobe, bannissant un certain pourcentage de peau dénudé, et discriminant d’office les corps plus gros. Elle a participé à le faire changer, une véritable victoire.

Décembre 2021, elle reçoit le Out d’Or de la personnalité LGBTQIA+ de l’année, avant de dévoiler sa nouvelle campagne Jean Paul Gaultier, tout en continuant à "promouvoir l’amour".

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Chella Man pour Yves Saint Laurent Beauté

"La capacité de mon corps à s’adapter est un trésor. Les cicatrices sur ma poitrine et derrière mes oreilles me le rappellent" écrivait Chella Man lors de la révélation de sa campagne Saint Laurent Beauté autour de la ligne Nu de produits "propres et durables". Il y portait des pièces de joaillerie de sa marque Beauty of Being Deaf.

Effectivement, le jeune homme mannequin, acteur et activiste est représentant de la communauté sourde, militant pour la visibilité trans, et revendiquant son multiculturalisme juif et chinois. Il est aujourd’hui à l’avant-scène des questions de validisme encore trop peu mises en avant, dans la mode autant que les milieux LGBT, et dont il participe à faire évoluer et enrichir la visibilité.

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Kai-Isaiah Jamal pour Louis Vuitton

Mis en avant par le très regretté Virgil Abloh, Kai Isaiah Jamal, poète non-binaire américain.e devient la première personne Noire transgenre à défiler pour Louis Vuitton - tout en participant à la bande-originale lisant un de ses écrits aux côtés des musiciens Yasiin Bey - plus connu sous le nom Mos Def - et Saul Williams.

"Je pense qu’en tant que personnes Noires, et en tant que personnes trans, et en tant que personnes marginalisées, le monde est à notre portée tant il nous a tant pris." dit-il dans une vidéo pour la maison. Mission, lentement, accomplie ?

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Dominique A. Jackson pour Mugler

Aux côtés de la top Raya Martigny, l’actrice connue pour son rôle en tant qu’Elektra Abundance dans la série sur le voguing dans un New York des années 1980 revient sur un passé qui lui est bien familier : née sur l’Ile de Tobago, victime de viol et de transphobie dès un jeune âge, elle rejoint la scène de ballroom américaine qui, selon ses dires, lui sauvera la vie.

Aujourd'hui, elle adresse dans ses apparitions et prises de paroles sur ses réseaux sociaux, des questions de transmysoginie et de racisme imbriqué. Égérie Valentino puis Mugler sous Casey Cadwallader, elle permet également de diversifier un secteur particulièrement agiste.

Une victoire plurielle, tout comme tous ces visages.

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