"J’angoisse toujours à l’idée d’aller chez le coiffeur, et ce, depuis plusieurs années", avoue Agathe, 27 ans. Et elle est loin d’être la seule dans ce cas. Si certain.es redoutent seulement le moment du rendez-vous chez le coiffeur, mais réussissent à le surmonter ; pour d’autres, il s’agit d’une véritable angoisse qui prendre la forme de phobie. Elle porte même un nom : la barbierophobie.
Selon Valérie Grumelin, thérapeute et auteure du livre 100 secrets révélés pour harmoniser vos ombres et lumières, cette pathologie concernerait trois types de personnalités bien distinctes : les personnes souffrant d’anxiété sociale, les timides et les hypocondriaques. Parmi elles, se cachent aussi celles marquées par des rendez-vous traumatisants.
Une angoisse liée à un traumatisme d’enfance
"J’ai créé une forme d’angoisse à cause de multiples traumatismes d’enfance", confie Esther, 34 ans, danseuse. Avec ses cheveux frisés — difficiles à dompter pour les coiffeurs de l’époque très peu formés au coiffage de cette nature de cheveux — elle vit les rendez-vous chez le coiffeur comme une souffrance extrême, voire un moment de torture. On lui tire les cheveux, les démêle brusquement et on lui fait des brushings bien trop volumineux pour une enfant de 10 ans.
Mais tout s’accélère à ses 14 ans. Le jour du mariage de son père et sa belle-mère, Esther est coiffée pour l’occasion par une professionnelle. À la fin de la prestation, cette dernière lui dit d’aller se regarder dans le miroir pour admirer sa coiffure.
C’est la goutte de trop. "Je me souviens avoir eu l’impression que mon monde s’écroulait, je me trouvais horrible face à mon reflet, se souvient-elle. J’ai tellement pleuré que j’ai refusé d’aller à la cérémonie et je suis restée dans la chambre d’hôtel. Je crois qu’à partir de ce jour précisément, j’ai commencé à faire des crises d’angoisse avant tous mes rendez-vous chez le coiffeur."
Même constat pour Stella, 26 ans, journaliste. À l’âge de 8 ans, comme de nombreux autres enfants de son âge, elle attrape des poux dans ses cheveux particulièrement épais, terrain favori de ces petits insectes. "Ma belle-mère en avait marre, alors elle a pris un ciseau et a coupé tous mes cheveux, sans mon accord, ni celui de ma propre mère", raconte-t-elle.
Et ce n’est pas tout. Toujours dans une volonté de se débarrasser des nuisibles, lui vient l'idée (stupide) d'appliquer sur sa chevelure brune une coloration… Rousse. "On se moquait de moi à l’école, je me faisais harceler à cause de cette nouvelle coupe. Les garçons et mes copines ne voulaient plus me parler. C’était un véritable traumatisme", avoue cette dernière.
Résultat : même après que ses cheveux ont repoussé, l’idée d’aller se faire couper les cheveux dans un salon était une source d’anxiété extrême pour la jeune femme. "Dès que les coiffeuses coupaient un peu trop court, je pleurais", se souvient-elle.
Le rendez-vous infernal pour les timides
Au-delà des traumatismes capillaires d’enfance qui vont pousser les personnes en ayant vécu à repousser ou retarder l’échéance, il y a des personnes qui de par leur personnalité et sans pour autant avoir vécu de mauvaises expériences, angoissent elles aussi.
Agathe, 27 ans, n’a jamais connu un rendez-vous catastrophique chez le coiffeur, n’est jamais sortie d’un salon de coiffure en pleurant, n’a jamais détesté une coiffure - ou peut-être une fois ou deux - mais elle n’a jamais osé le dire. Elle, ce qui l’effraie, c’est de devoir tenir une conversation avec les pros, savoir quoi leur dire et exprimer ses besoins.
"Quand je vais chez le coiffeur, j’ai l’impression de devenir une personne dénuée de tout sens relationnel, admet-elle. Je n’aime pas l’idée de me confier à des inconnus, j’ai du mal à exprimer mes envies, même quand je sais ce que je veux, je n’ose pas le dire et surtout, je n’aime pas le small talk (tenir des petites conversations au sujet de banalités, NDLR). Le problème, c’est que le rendez-vous chez le coiffeur réunit toutes ces choses-là."
"Les timides et les personnes qui manquent de confiance en elles ont du mal à appréhender le rendez-vous chez le coiffeur pour plusieurs raisons", commence Valérie Grumelin, avant d’énumérer la prise de décision obligatoire, la peur de dire "oui" ou "non", la peur de déranger ou encore de vexer à cause de retours négatifs.
Une difficulté à lâcher prise
Autre cas de figure : les control freak. Ces personnes, incapables de lâcher prise sur elles-mêmes, sont le profil type pour développer une allergie au coiffeur. "Ce sont des personnes qui ne supportent pas d'être dénaturées, elles font très attention à leur image, et quand elles vont chez le coiffeur elles n'ont plus du tout le contrôle, car c'est le coiffeur qui le détient. Elles sont obligées de faire avec cette perte de contrôle et cela peut être très déstabilisant", explique la thérapeute.
Et de poursuivre : "Il peut aussi être difficile pour les personnes souffrant de dysmorphophobie d’avoir à se regarder pendant des heures dans le miroir, sous une lumière peu flatteuse et dans des positions pas terribles".
Un sentiment auquel s’identifie Esther. Souffrant de cette pathologie, la danseuse porte un regard très critique envers elle-même et ne supporte pas d’être confrontée à son reflet aussi longtemps. "J’ai beaucoup de cheveux, donc je reste toujours des heures chez le coiffeur, je fais tout pour éviter mon reflet, je prends un livre ou je me plonge dans mon téléphone, mais il y a toujours un moment où je suis obligée de me regarder et je le redoute, car je me scrute à la recherche du moindre défaut."
Comment surmonter la phobie du coiffeur ?
Mais alors, comment surmonter ce rendez-vous tant appréhendé ? D’après Valérie Grumelin, les clés pour surmonter sa phobie ou l'angoisse temporaire du coiffeur, sont d’accepter les sentiments que l’on ressent et de les exprimer. "Pour quelqu’un de timide, il peut être intéressant de se présenter chez le coiffeur en lui faisant part de votre timidité", conseille-t-elle. Ou alors, si vous n’êtes pas à l’aise avec ce terme, dites que vous n’êtes pas d’humeur à parler, que vous vous sentez fatigué.e. Tout le monde est - normalement - à même de comprendre ce sentiment.
"Si vous êtes dans la position où vous devez réconforter quelqu’un qui a peur d’aller chez le coiffeur, dites-lui que tout va bien se passer, utilisez des mots rassurants", précise la spécialiste. Et en cas de grosse déprime après une coupe ratée, inutile de dire à la personne que "ce ne sont que des cheveux" ou bien qu'ils "repousseront". "Ces mots peuvent être culpabilisants pour la personne qui les reçoit, il vaut mieux la laisser exprimer sa colère, tristesse ou frustration", conclut l’experte.