Née le 25 juillet 1955 à Mogadiscio, Iman est une mannequin emblématique des années 80. En près de 20 ans de carrière, la supermodel a fait de son succès un outil pour bousculer les codes de la beauté et a ouvert la voie à des générations de tops de couleur.
Plus qu'un visage iconique, Iman a marqué la culture populaire de son empreinte grâce à ses apparitions dans des films et des clips vidéos mémorables. Aujourd'hui, elle prouve que l'inclusion est toujours un sujet important à ses yeux, avec sa marque de cosmétiques inclusifs.
Portrait d'une légende.
Uune étudiante repérée à Nairobi
Si le prénom Iman — qui signifie "foi" en arabe — est celui qu'on lui connaît et qui lui sera attribué à la demande de son grand-père, la supermodel est née Zara Mohamed.
Fille d'une mère gynécologue et d'un père diplomate, Iman Mohamed Abdulmajid grandit dans une famille aux idées progressistes. Jusqu'à son adolescence, la future mannequin évolue entre l'Égypte et le Kenya, une ouverture sur le monde qu'elle apprécie.
Je suis musulmane et l'Égypte a été un endroit très progressiste. Les filles comme moi pouvaient aller à l'école.
En 1972, les tensions politiques poussent la famille Abdulmajid à fuir la Somalie. Dans un entretien accordé à Vogue Arabia en 2018, la supermodel se souvient : "Avec l'instabilité politique, mes parents se sont installés en Arabie Saoudite, et j'ai été envoyée en Égypte pour finir le lycée."
Elle ajoute : "Du Caire, je me rappelle les attaques israéliennes — le son des sirènes et des éclats de verre —, mais c'était aussi un pays auquel il était facile de s'adapter. Je suis musulmane et l'Égypte a été un endroit très progressiste. Les filles comme moi pouvaient aller à l'école."
Iman veut marcher dans les pas de son père Mohamed Abdulmajid, diplomate de profession. Après le lycée, elle décide donc de poursuivre des études en sciences politiques et s’installe à Nairobi où elle fait une rencontre qui va changer sa vie.
1975. Sur le chemin de l'école, Iman, 20 ans, croise la route du photographe Peter Beard. Subjugué par le physique de la Somalienne — son long cou, son 1,75 m et ses traits de visage gracieux — l'Américain souhaite immortaliser sa beauté. Mais Iman ne se laisse pas approcher si facilement.
Peter Beard insiste et propose de la rémunérer. La jeune étudiante entre alors en négociations : le prix à payer sera celui de ses frais de scolarité, estimés à 8 000 dollars. L'homme accepte et Iman se prête au jeu de la séance photos. Le début d'un immense succès.
En couverture de "Vogue US" en 1976
De retour à New York, Peter Beard contemple ses clichés et s'empresse de vanter les qualités de sa "découverte" kényane, quitte à déformer la réalité.
Dans la presse américaine, le photographe propage de fausses informations à propos d'Iman. Elle serait membre d'une famille royale africaine et aurait été "trouvée" par Beard lui-même au beau milieu de la jungle. Pire, le photographe américain parle d'Iman comme d'une beauté noire qui "ne parle pas un mot d'anglais" alors même que la fille de diplomate maîtrise cinq langues différentes.
Seulement, le microcosme de la mode croit naïvement à ces mensonges qui n'ont d'autre but que la publicité. Le "mythe Iman" est créé.
Les gens me décrivaient comme si je n'étais pas humaine, comme si je venais d'un autre monde.
Octobre 1975. Beard tente de convaincre celle qui est encore étudiante à l'université de Nairobi de venir à New York. Il faut dire que grâce aux rumeurs qu'il a inventées, Iman fait déjà sensation avant même d’avoir atterri sur le sol américain. À son arrivée, elle se confronte aux journalistes.
"Lors de ma première conférence de presse avec Peter, il m'a dit de prétendre ne pas savoir parler anglais. C'était une bonne manière de découvrir comment les gens parlaient de moi et ce qu'ils pensaient réellement. Cette expérience m'a appris beaucoup sur les États-Unis. Les gens me décrivaient comme si je n'étais pas humaine, comme si je venais d'un autre monde. Ils disaient que j'étais exotique... Un perroquet est exotique, moi, je suis un être humain", raconte la mannequin à Vogue Arabia.
Complices dans cette mystification, la mannequin et le photographe américain débutent une longue collaboration. En 1976, Peter Beard convie sa protégée, désormais signée chez l'agence Wilhelmina Models, à la séance photo de sa première couverture de magazine. Un magazine qui n'est autre que le légendaire Vogue US.
Dans la foulée, Iman devient l'une des new faces les plus désirées du moment, aux côtés de Jerry Hall et Beverly Peele. Elle débute sur les défilés de haute couture et pose pour les plus grands photographes de mode, de Bruce Weber à Helmut Newton en passant par Annie Leibovitz et Irving Penn.
Iman, la muse des créateurs et des artistes
Dans les années 80, le succès d'Iman se manifeste à travers ses innombrables apparitions dans les pages de magazine et sur les podiums. La supermodel somalienne bouleverse les diktats de beauté de l'époque, qui invisibilisent les femmes de couleur.
La femme de mes rêves, c'est Iman
Par sa beauté, Iman Abdulmajid séduit naturellement les grands créateurs.
La liste est longue et prestigieuse : Gianni Versace, Calvin Klein, Issey Miyake, Azzedine Alaïa, Thierry Mugler... et surtout Yves Saint Laurent. Le styliste français a même déclaré à son sujet : "La femme de mes rêves, c'est Iman".
Le Français choisit la top comme égérie de sa collection intitulée African Queen, preuve de son adoration.
Et il n'y a pas que le cœur des grands couturiers que la Somalienne parvient à conquérir. En 1992, Iman épouse David Bowie avec qui elle a une fille prénommée Alexandria. La mannequin est déjà mère de Zulekha, née en 1978 de son premier mariage avec le basketteur Spencer Haywood.
Avec l’icône britannique de la chanson, la love story dure 24 ans, jusqu’à la disparition du chanteur en 2016.
Quand elle ne fait pas la couverture de magazines, Iman s'invite à l'écran : dans le clip de Remember The Time de Michael Jackson ou encore dans plusieurs films dont Out of Africa, aux côtés de Meryl Streep et Robert Redford.
Une femme engagée
Iman se retire du mannequinat en 1994, après avoir marqué de son empreinte le milieu de la mode des eighties. Mais si la supermodel quitte le feu des projecteurs, c'est pour mieux briller en dans les coulisses de l'industrie.
Lors de mon premier shooting pour Vogue, la maquilleuse n'avait pas de fond de teint pour les filles noires
La même année, elle lance une ligne de cosmétiques. Le souvenir des podiums n’est alors pas bien loin : "Lors de mon premier shooting pour Vogue, la maquilleuse n'avait pas de fond de teint pour les filles noires. Ça a été le déclic pour créer Iman Cosmetics", explique Iman.
Un label révolutionnaire, qui propose une large gamme de teintes pour peaux noires et métissées. Ce que les chiffres confirment : dès 2010 - bien avant Fenty Beauty, lancé en 2017 -, le chiffre d'affaires d'Iman Cosmetics s’élève 25 millions de dollars.
Les industries de la mode et de la beauté ont bénéficié de l’impact d'Iman, récompensée en 2010 par le Conseil des créateur-rice-s de mode américain-e-s (CFDA), qui lui décerne le prix d'icône de mode. Lorsqu'elle récupère sa récompense, la top model tient à remercier ses parents pour lui avoir légué "un long cou afin de garder un œil partout dans le monde".
Tout au long de sa carrière, la personnalité a veillé à rendre le monde meilleur via ses engagements humanitaires auprès d'associations telles que la Children’s Defense Fund et Action contre la faim.
Selon Francesco Carrozzini, fils de Franca Sozzani, l’ex-rédactrice en chef du magazine Vogue Italia : "Le travail d’Iman a bouleversé l’industrie de la mode de façon similaire à celle de Franca : audacieuse, innovante et inclusive."
Le 27 août 2019, à 64 ans, Iman a reçu le prix Franca Sozzani, justement, qui récompense sa carrière artistique ainsi que sa contribution dans le domaine caritatif.