Que devient Ungaro ? Cette interrogation trotte dans les esprits de celles et ceux qui ne l'ont pas oublié malgré sa discrète présence dans le paysage mode. Il faut rappeler que ces deux dernières décennies, la célèbre maison a connu un jeu de chaises musicales à sa direction artistique au lendemain du départ de son fondateur Emmanuel Ungaro, en 2004.
Ni le styliste Giambattista Valli, ni Fausto Puglisi, ni le bref (et curieux) passage de Lindsay Lohan en tant que conseillère artistique n'auront permis de maintenir la grandeur de la marque jadis adoubée par Sharon Stone.
D'autant qu'en 2019, le milieu de la mode perd son joyeux couturier, décédé à l'âge de 86 ans. De son vivant, il aura vu la griffe qu'il a fondé en 1965 abandonner ses traditionnels défilés orchestrés dans le cadre de la Fashion Week de Paris. Mais la chute libre d'Ungaro a été ralentie en 2021, lorsque les clés de sa direction créative ont été remises au styliste israélien Kobi Halperin qui signe des collections flamboyantes en adéquation avec l'ADN de la maison. Peut-on déclarer la renaissance d'Ungaro ?
L'actuel directeur artistique fait abstraction des spéculations, des éloges et du désintérêt de certain-e-s. Il préfére se concentrer sur la mise en valeur de l'héritage de la maison mythique, ce pourquoi il convie la presse mode à découvrir la collection Ungaro printemps-été 2025 dans un lieu unique : les locaux historiques d'Ungaro.
Marie Claire l'y a rencontré.
Marie Claire : Quelles étaient les inspirations derrière cette collection ?
Kobi Halperin : Le point de départ de cette collection est le travail de l'artiste Joseph Stella, dont je connais bien l'œuvre, notamment sa peinture du Brooklyn Bridge de New York. Mais quand j'ai vu ses tableaux de la nature, j'y ai trouvé des notions de fantaisie et de rêve dont nous manquons tous en ce moment.
Quand vous allumez la télévision et que vous regardez les informations, tout est si triste et si déprimant. La mode devient importante à ce moment-là, parce qu'avant, les femmes s'habillaient en fonction de leur humeur. Maintenant, elles s'habillent pour pouvoir être de bonne humeur. J'aime donc l'idée d'amener la fantaisie, l'optimisme et l'espoir dans leur garde-robe.
J'adore les jardins français et je me suis inspiré de leurs couleurs et de leurs textures. Je veux rester fidèle à la philosophie de M. Ungaro que j'ai toujours trouvé pertinente, car elle se consacre à la célébration des femmes. Il ne s'agit pas de les forcer à suivre des tendances.
Est-ce que vous avez eu l'opportunité d'étudier les archives de la maison ?
Bien sûr. J'y reviens pour toutes les collections. Je regarde tout ce que M. Ungaro a fait dans les années 60 et 70. Je m'intéresse à son esthétique, mais dans le même temps, j'essaie de trouver un moyen de proposer des vêtements plus légers. Car j'estime que les collections qu'il élaborait, notamment pour la couture, étaient très lourdes. Les vêtements apparaissent beaux sur les mannequins, mais je pense davantage à la sensation du vêtement sur le corps.
Pour moi, le vêtement doit être réellement portable et facile à enfiler avant de sortir de chez soi.
Et vous aviez une muse à l'esprit en élaborant cette collection printemps-été 2025 ?
J'ai de la chance d'être entouré de belles femmes et quand je dis "belles", je ne parle pas du physique, mais de ce qu'il y a à l'intérieur. Il y a de nombreuses femmes autour de moi, et je veux simplement les rendre belles.
Le présent d'Ungaro
Vous présentez les collections d'Ungaro sous forme de présentations. Avez-vous le projet de reprendre les défilés ?
Nous avons créé un défilé vidéo, organisé sans public, et nous le dévoilons ici, dans les bureaux d'Ungaro, pendant la Fashion Week. Si un jour l'opportunité d'organiser un véritable défilé de mode se présente, tant mieux. Mais j'ai tellement de respect pour la griffe que je veux que les gens viennent ici et se sentent inclus dans la marque. Je veux les voir se sentir bien, sourire. C'est ça qui m'excite. Dans un premier temps, je veux créer une communauté et ensuite, on verra.
C'est une manière intéressante de penser le retour sur le devant de la scène d'Ungaro...
Je souhaite rester humble. Quand vous aimez vraiment les gens, vous les invitez chez vous. Vous ne les invitez pas au restaurant. Je veux que tout le monde se sente à la maison. C'est aussi l'occasion de parler avec des personnes et qu'elles aient l'opportunité de toucher les vêtements. C'est le bon choix pour nous en ce moment.
Je veux que les femmes qui achètent et portent Ungaro se sentent aimées.
Qu'avez-vous appris en trois ans de création chez Ungaro ?
Je n'étais déjà plus un jeune designer lorsque j'ai pris mes fonctions en tant que directeur artistique d'Ungaro. Même si j'ai l'air très jeune (rires). Mais j'avais déjà une certaine compréhension du business et des challenges qui m'attendaient.
Nous vivons dans un monde dans lequel la femme veut être à l'aise et veut pouvoir bouger rapidement. Il est important de se rappeler qui sont les client-e-s et quels sont leurs besoins.
L'idée de versatilité est également très importante. Nous voulons des pièces qui peuvent être portées de différentes façons. Moi, je montre mes vêtements associés à des chaussures plates, vous pouvez les porter de manière décontractée ou les styliser pour obtenir une tenue très habillée. Vous pouvez les porter partout, toute l'année et même voyager avec.
Le quotidien des femmes aujourd'hui est différent de celui d'il y a 30 ans et nous, en tant que designers, devons évoluer en même temps que nos client-e-s. Nous ne pouvons pas nous permettre d'être coincé-e-s dans le passé.
Vous mentionnez le fait que vous étiez déjà expérimenté quand vous avez accepté le poste chez Ungaro. Il est vrai que cela vous offre un regard complètement différent sur la création.
Oui, j'ai ma propre marque et j'aime garder à l'esprit que la mode est un business. À la fin de la journée, il faut comprendre les pensées des client-e-s et analyser ce que nous, designers, avons envie de créer et de comprendre pourquoi nous voulons créer ces choses.
Personnellement, je m'en fiche d'être cool. Ce qui m'importe, c'est d'avoir une démarche intelligente et d'avoir du succès. Je garde en tête mes client-e-s, je m'intéresse à la beauté et je n'essaie pas d'impressionner qui que ce soit. Je veux que les femmes qui achètent et portent Ungaro se sentent aimées.