"Nous sommes en 2024 et toujours cette question sans réponse : pourquoi cet engouement pour le sac à dos Basic Fit ?" Sur le réseau social Thread, cette micro influenceuse d’origine bordelaise s’interroge, exprimant tout haut de ce que beaucoup pensent tout bas. Car cela n’aura échappé à personne, le sac à dos promotionnel de la (désormais) célèbre chaîne de salle de sport a littéralement inondé les rues de France et de Navarre.
"Quelqu’un peut m’expliquer la hype autour du sac à dos Basic Fit ? J’en vois une cinquantaine chaque jour !" renchérit un autre internaute. "Un jour, les sacs à dos Basic Fit vont prendre le pouvoir", ironise un dernier. Il faut dire que le phénomène a de quoi laisser pantois.
Un objet utilitaire devenu phénomène culturel
Des couleurs peu seyantes, un design qui laisse songeur et une fabrication bon marché : d’abord conçu comme une attention marketing, le sac Basic Fit semblait destiné à rester dans les vestiaires. "Si vous vous inscrivez maintenant, vous recevrez toujours 4 semaines de fitness offertes et un joli sac de sport", clame l’enseigne qui donne cet accessoire aux nouveaux-elles adhérent-e-s en échange d’un abonnement d’un an minimum dans la pure tradition des objets promotionnels.
Une stratégie qui, plus de 3 ans après sa mise en place, s’avère plus que gagnante, puisque certain-e-s estiment le nombre de sacs en circulation aux 4 coins de l’Hexagone à plus de 1,5 million. Bref, c’est simple, il est probablement le sac le plus porté de France, loin devant les it bags en tout genre, y compris ceux allègrement copiés par les enseignes de fast fashion.
Un sac à dos pratique à l’esthétique contestée
Les raisons de son succès ? Le sac à dos Basic Fit serait avant tout très pratique. Une capacité de 34 litres, une poche ordinateur et un compartiment pour les chaussures en font un choix évident pour les usager-ère-s en quête de praticité. "Je n'aime pas du tout Basic Fit, d'ailleurs, je ne suis plus abonné, par contre le sac, je dois dire qu'il est très bien, comme dimensions, poches, très pratique et robuste…" clame Gianrico sur Thread, tandis que Morgane souligne combien il est aussi très utile pour… Prendre l’avion.
"Il a les dimensions parfaites pour voyager avec des compagnies low cost. “Le sac est moche, mais pratique", résume Zoé, qui prend la défense de cet accessoire dont le succès n’en fait pas moins un objet de dissension idéologique. Car comme les Crocs au moment de leur popularisation, le sac fait l’objet de moqueries un brin condescendantes sur les réseaux sociaux.
Le sac Basic Fit, ou la revanche du mauvais goût
Mais le succès dudit accessoire dépasserait les simples considérations pratiques. Sur Instagram, des comptes comme @collector_basicfit recensent des clichés sur lesquels il trône fièrement sur des dos anonymes à Paris, Marseille ou Bruxelles. Sur Vinted, il se revend parfois plus cher que sa valeur marchande (44,99 euros), tandis que d’autres préfèrent le chiner sur Leboncoin.
L’esthétique jugée ringarde du sac – entre sportswear et mauvais goût – semble séduire une génération lassée des codes stylistiques instillés par les prescripteur-rice-s de tendances. Un retournement de stigmate en somme, qui s’inscrit dans un phénomène plus global de réhabilitation sociale des pièces utilitaires longtemps jugées anti-mode, et donc inadaptée à la vie publique.
"L’industrie de la mode fonctionne sur un système de déplacement, en voulant élever des éléments du quotidien empruntés aux classes populaires", analysait Alice Pfeiffer, journaliste et auteure de l'ouvrage Le goût du moche (Flammarion, 2021), dans un article du Huffington Post dédié au sac Basic Fit. Comparée ici aux accessoires Lidl ou Ikea, la pièce orange et gris rejoint ainsi les symboles d’une certaine contre-culture vestimentaire.
Un sac par et pour le sport
Par ailleurs, contrairement à un sac Tati ou à une paire de Crocs qui ont pu être récupérés par des marques comme Céline, Christopher Kane et plus récemment Balenciaga, le sac Basic Fit se fait le porte-étendard d’une vague sportswear plus que prédominante au sein de l’industrie du prêt-à-porter.
En 2025, selon une étude du cabinet McKinsey pour Business of Fashion, le secteur devrait plus que jamais pulvériser ses records de vente, notamment auprès des jeunes générations. D’autant que deux tiers des consommateur-rice-s issu-e-s de la Gen Z et des Millenials portent des tenues dites athleisure au moins deux à trois par semaines.
Une redéfinition de l’uniforme urbain, en somme, dans laquelle le sac Basic Fit prend naturellement toute sa place : porter un sac de sport au quotidien, c’est aussi afficher implicitement une image de soi particulière, celle de quelqu’un qui prend soin de son corps, pragmatique et connecté à un réseau. Bref, dans une société en crise où l’efficience semble prendre le pas sur une certaine forme d’élégance, cet accessoire sac représente autant un choix rationnel qu’un marqueur identitaire.