J’ai 15 ans quand je vois mon premier cheveu blanc apparaître. Du moins, quand une camarade de classe me le fait remarquer devant tout le monde dans la cour du collège. Traumatisme. Depuis, je ne compte même plus les rendez-vous chez le coiffeur et les tentatives de coloration à la maison pour les camoufler. Si 10 ans plus tard, j’en suis toujours au même stade - c’est-à-dire que je les recouvre avant même qu’ils n’aient l'occasion de se présenter -, d’autres femmes, elles, en ont fini avec ce complexe. 

Helen Mirren, Andie MacDowell, Sharon Stone ou encore Jennifer Aniston (pour ne citer qu’elles) sont autant de célébrités qui, ces dernières années, ont décidé de faire rempart aux injonctions de l’âgisme en décidant d’assumer leur chevelure argentée. Ce mouvement du silver hair, on ne le remarque pas seulement sur les tapis rouges. Aujourd’hui, de plus en plus de femmes abandonnent les colorations pour embrasser leurs cheveux gris et blancs avec amour.

Les femmes et leurs cheveux blancs, toujours victimes du double standard 

"J’ai commencé à avoir des cheveux blancs dans la vingtaine, je les recouvrais de temps en temps, puis à partir de 31 ans, j’ai fait des colorations tous les mois", se souvient Clémence, 39 ans. Même récit pour Rouqayah, 23 ans, qui a découvert ses premiers cheveux blancs à 19 ans et s’est empressée de les camoufler pendant - seulement - un an et demi.

Quand le cheveu blanc apparaît pour la première fois, c’est un choc. Associé directement au vieillissement, il est le chat noir de beaucoup de femmes. On n'essaie de ne pas y penser tant qu’il n’est pas là et on croise les doigts pour que ce moment arrive le plus tard possible. Puis un jour, il se dévoile. Le drame. Vite, on se doit de le dissimuler. 

Chez les hommes, le cheveu blanc va plus facilement être associé à la sagesse ou à la raison.

"Cela a l’air d’être anecdotique mais ça ne l’est pas du tout", commente Christelle Taraud, historienne spécialiste des questions de genre, quand j’évoque cette nécessité des femmes à se camoufler les cheveux blancs dès qu’ils apparaissent. "Les cheveux sont associés chez les femmes, dans la pensée collective, à la féminité, mais aussi à la sensualité… Elles ont plus de mal à accepter leurs cheveux blancs car nous sommes dans une société du jeunisme généralisé et genré, il ne s’applique pas de la même manière aux hommes et aux femmes. Chez les hommes, le cheveu blanc va plus facilement être associé à la sagesse ou à la raison alors que chez les femmes, cela va être assimilé au fait que nous ne sommes plus ‘bankable’ sur le marché sexuel ou matrimonial."

Du déclic à l'acceptation totale des cheveux grisonnants

L’apparition de cheveux blancs est inéluctable et touche tout le monde. Il s’agit tout simplement d’un processus normal de vieillissement auquel personne ne peut se soustraire, peu importe l’âge ou le genre puisqu’avec le temps - ou d’autres facteurs externes -, les follicules pileux produisent moins de mélanine. Les chasser représente un coût certain, du temps et de l’implication. 

C’est justement en partant de ce constat que Clémence a décidé d’arrêter les colorations. "Je me suis dit : ‘j’ai 38 ans, il va donc falloir que je fasse encore beaucoup d'allers-retours chez le coiffeur pendant encore plusieurs années." Une sorte de déclic - même si elle ne l’identifie pas en tant que tel - qui lui a permis, depuis septembre 2022, de dire définitivement adieu aux colorations.

Je les assume totalement.

Pour Rouqayah, le déclic a été tout autre. Avec sa belle chevelure bouclée, la jeune femme a rapidement observé un changement de texture et de qualité lorsqu’elle a commencé à recouvrir ses quelques mèches grises. Après un an et demi de coloration, elle saute le pas et décide de stopper complètement les couleurs. 

"Je reçois beaucoup de compliments depuis que j'ai arrêté de les cacher" 

Rapidement, toutes deux voient les changements - positifs - depuis cette prise de décision. "Je me sens tellement mieux ainsi, car je privilégie la qualité de mes cheveux bouclés et je les assume totalement, je trouve que ça me différencie des autres !", se réjouit Rouqayah. 

Le regard des autres ? Il n’a pas changé… Ou presque. "J’ai régulièrement des remarques quand je rencontre de nouvelles personnes, mais je ne le prends pas du tout mal car il s’agit souvent de simple curiosité et je reçois même beaucoup de compliments", assure-t-elle.

Du côté de Clémence, le ressenti est semblable. "Les remarques sont hyper positives, on me demande souvent pourquoi j’ai arrêté et on me dit que cela me va à merveille", raconte-t-elle.  Sur le plan personnel, arborer fièrement ses mèches blanches a même eu de nombreuses répercussions positives sur sa vision de la vie et du temps qui passe. "Je suis libérée de la peur de vieillir, d’avoir des rides… J’ai retrouvé de la masse capillaire, et je me suis enfin affranchie du coiffeur et de cette charge mentale de devoir prendre des rendez-vous chaque mois", confie-t-elle en résumant cette nouvelle expérience de vie comme "du positif, à 100%."