Lorsqu’on sait que de simples poils visibles aux jambes ou sous les bras peuvent susciter des réactions outrées dans une société formatée par des standards inatteignables, on imagine aisément la détresse des femmes atteintes d’hirsutisme. 

Ce symptôme souvent lié au syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) ou à la ménopause s’accompagne d’une pilosité excessive sur des zones où elle est habituellement discrète chez les femmes : menton, joues, ventre ou encore dos. 

D'après une étude publiée en 2006, 40 % des femmes atteintes d'hirsutisme se sentiraient mal à l'aise dans certaines situations, 75 % seraient anxieuses et 30 % seraient dans un état dépressif important. Aussi, elles seraient 67 % à se regarder de manière constante dans un miroir. 

L’hirsutisme, un poids qui dépasse le physique

Sarah, 24 ans, se souvient encore de la découverte de ce symptôme. En 2020, elle remarque que ses bras se couvrent de poils plus foncés et plus épais que d’ordinaire. "J’ai vite compris que quelque chose clochait, alors j’ai consulté". Après plusieurs rendez-vous médicaux, le diagnostic tombe : elle est atteinte du SOPK. Une révélation qui marque le début d’un combat.

J’adore le maquillage, mais dès que j’ai du duvet, j’ai l’impression que ça se voit encore plus.

Quelques mois plus tard, les poils s’étendent à son visage. "C’est un cercle vicieux. Ils repoussent trop vite. Si je ne m’épile pas, je me sens oppressée." Un sentiment que partage Rachel, qui vit avec le même syndrome. "J’ai beaucoup complexé, depuis l’adolescence. J’avais une moustache visible et à l’âge adulte j’ai commencé à avoir des poils épais sur le menton. J’avais l’impression de perdre ma féminité, d’être sale, pas attirante."

Si l’hirsutisme pèse déjà lourd dans l’intimité, il devient écrasant en société. Sarah a souvent fait face à des remarques déplacées de la part d’inconnus : "C’est une barbe ?", "Il y en a qui ne connaissent pas le rasoir ici" ou encore "c’est la jungle par ici". Des commentaires blessants voire violents, qui rappellent à quel point les standards de beauté féminins sont (beaucoup trop) prégnants. 

Les conséquences ? Elle n’ose pas s’engager dans des relations intimes et préfère ne pas se maquiller si elle n’est pas parfaitement épilée. "J’adore le maquillage, mais dès que j’ai du duvet, j’ai l’impression que ça se voit encore plus."

Lâcher prise contre les standards de beauté 

Après des années à lutter contre sa pilosité, Rachel a décidé de s’assumer pleinement. À 27 ans aujourd’hui, elle a appris à prendre du recul face aux remarques, qu’elles considèrent d’ailleurs utiles pour faire le tri dans son entourage. "Maintenant, quand je ne m’épile pas, je ne culpabilise plus d’avoir été flemmarde et d’avoir l’air 'négligée'. Mes poils sont comme ils sont et je ne peux pas les contrôler, donc j’accepte la situation."

Et si la vraie solution était effectivement d’apprendre à revoir son rapport à la féminité ? Au lieu de lutter, c'est peut-être à nous de définir ce que signifie être femme, et non de se conformer à un standard imposé. Dans une interview accordée au magazine Real Simple et publiée le 13 février 2025, le mannequin Heidi Klum raconte avoir des poils sur son menton et sa poitrine à cause de la ménopause. Un changement qui est loin d'avoir ébranlé la confiance qu'elle a en elle. 

Dans le film Rosalie deStéphanie Di Giusto, l'actrice de talent Nadia Tereszkiewicz interprète une "femme à barbe" (un surnom péjoratif largement associé aux femmes atteintes d'hirsutisme) dans la France du XIXème siècle. Interviewée par Marie Claire en avril 2024, la jeune femme expliquait à quel point elle avait été touchée par la volonté de son personnage de se faire accepter avec cette particularité physique : "Elle a une rage de vivre qui lui permet d’affronter le regard des autres. Elle a besoin d’en faire presque trop pour pouvoir assumer sa différence dans la société. Elle est vraiment elle-même quand elle est barbue. Cela la révèle même en tant que femme de la porter, et ça c’est hyper beau. Elle est une femme avec sa barbe et ses poils, et c’est tout. Ce n’est pas un acte de rébellion."

Mais cette prise de position n'est pas toujours une évidence. S’il n’existe - pour l'heure - pas de remède miracle, plusieurs solutions permettent tout de même d’atténuer l’hirsutisme lorsque ce symptôme a un impact trop négatif sur la vie des femmes. 

Traiter ou accepter, des solutions variées pour faire face à l'hirsutisme 

Parmi les options pour traiter un hirsutisme, on trouve des traitements médicamenteux. La spironolactone est souvent prescrite dans le cas du SOPK, car cette molécule bloque les effets de la testostérone sur la peau. "Elle peut ralentir la pousse des poils, mais ne fonctionne pas sur tout le monde", précise le Dr Céline Pouget, dermatologue référente du groupe Sériderm. 

Eva Lecoq, co-fondatrice de SOVA, une marque de compléments alimentaires dédiés aux femmes atteintes du SOPK, explique que pour limiter le surplus de testostérone, il est également essentiel d’adopter une alimentation à indice glycémique bas, en privilégiant des repas riches en protéines, en bons gras et en fibres. Côté compléments alimentaires, certaines formulations à base de zinc, de myo-inositol ou de plantes adaptogènes peuvent aider à réguler les hormones. "L’idée est de rééquilibrer le terrain hormonal, et cela passe aussi par l’alimentation", souligne l’experte.

Et l'épilation définitive ? "Avant de se lancer il faut que le SOPK soit stabilisé, sinon les poils risquent de revenir", prévient la dermatologue. L’épilation au laser à ses limites et s’avère optimale uniquement si on la couple à un traitement hormonal comme la pilule contraceptive. Pour ce qui est des poils du visage, il est conseillé de choisir l'électrolyse, à savoir la destruction du follicule pileux par courant électrique qui assure une efficacité permanente. À savoir : l’épilation définitive n’est pas, ou très peu, remboursée.

Pour se soutenir, les femmes touchées par l'hirsutisme peuvent aussi se tourner vers des communautés en ligne qui abordent le thème de l'hyperpilosité sans tabou afin de rendre ce quotidien plus doux (@laurane.rose, @raissadora). Sarah recommande également la lecture de Les poils de la colère par Vicdoux (@lesdessinsdevicdoux sur Instagram). 

Parfois, un accompagnement psychologique peut également aider à accompagner celles qui en ressentent le besoin. Et si chaque femme trouve ses propres armes pour faire face à l’hirsutisme, une chose est sûre, c'est qu'il est temps que la beauté se conjugue au pluriel.

Pourquoi le SOPK et la ménopause provoquent-t-ils un hirsutisme ?

Le SOPK est un trouble hormonal qui touche 6 à 13 % des femmes dans le monde, selon l’OMS. Le Dr Pouget explique : "Ce syndrome provoque une surproduction de testostérone, entraînant une pousse excessive des poils. Ce déséquilibre hormonal peut également rendre la peau plus grasse, favoriser l’acné et perturber les cycles menstruels."

Eva Lecoq précise que cet excès de testostérone se convertit en DHT. "Cette hormone agit directement sur les follicules pileux, stimule leur activité et accélére la pousse des poils, notamment sur des zones où on ne les attend pas, comme le visage."

De la même manière, la ménopause et les bouleversements hormonaux qu'elle entraîne peuvent être à l'origine d'une hyperpilosité durant cette période. En cause : une augmentation des taux d'androgènes, responsables d'une hyperandrogénie (perturbation hormonale de la sécrétion sébacée et du système pileux).